Euro numérique : cinq avancées majeures depuis 2021 et perspectives pour 2025

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L’évolution rapide des technologies financières bouleverse le paysage monétaire mondial. Face à la digitalisation croissante des paiements et à l’essor des crypto-monnaies, l’Union européenne s’engage résolument dans le développement de l’euro numérique. Ce projet ambitieux, piloté par la Banque centrale européenne (BCE) et l’Eurosystème, vise à adapter la monnaie unique à l’ère numérique. Où en est ce projet en 2023 ? Quelles sont les étapes franchies et celles à venir ? Cet article décrypte les avancées clés du projet d’euro numérique et explore les enjeux pour les acteurs économiques européens.

Phase d’investigation : évaluer les options de 2021 à 2023

La phase d’investigation constitue la première étape cruciale du projet d’euro numérique. Lancée en octobre 2021, elle s’est achevée en octobre 2023 après deux années d’études approfondies. L’objectif principal de cette phase était d’évaluer les différentes options de conception et les modèles de distribution possibles pour l’euro numérique.

Pour mener à bien cette mission, la BCE a collaboré étroitement avec les banques centrales nationales des États membres de la zone euro. Des consultations ont été organisées avec diverses parties prenantes, notamment les décideurs politiques, les acteurs du marché financier et les représentants de la société civile. Ces échanges ont permis de recueillir des avis variés sur les besoins et les attentes vis-à-vis d’une monnaie numérique émise par une banque centrale.

Par ailleurs, des groupes de travail ont été constitués pour étudier les implications techniques, juridiques et économiques de l’introduction de l’euro numérique. Plusieurs prototypes ont été développés pour tester les solutions technologiques envisagées, en mettant l’accent sur la sécurité, la fiabilité et l’efficacité des transactions. En outre, des études ont été menées pour analyser l’impact potentiel de l’euro numérique sur la politique monétaire, la stabilité financière et le système bancaire.

Au terme de cette phase d’investigation, la BCE a publié un rapport détaillant les conclusions et recommandations. Il en ressort que l’euro numérique pourrait apporter des avantages significatifs en facilitant les paiements numériques, en renforçant l’inclusion financière et en consolidant la souveraineté monétaire européenne face à la concurrence internationale des monnaies numériques privées et étrangères.

Phase préparatoire : lancement en octobre 2023 pour une mise en œuvre concrète

Le 18 octobre 2023 marque le début officiel de la phase préparatoire du projet d’euro numérique. Cette étape, qui s’étendra jusqu’en octobre 2025, vise à concrétiser les travaux menés lors de la phase d’investigation et à préparer le terrain pour une éventuelle émission de l’euro numérique.

Durant cette phase, plusieurs actions clés sont entreprises. Tout d’abord, il s’agit de finaliser le recueil des règles applicables au dispositif de l’euro numérique. Cela englobe la définition précise des caractéristiques techniques et fonctionnelles, les modalités de distribution et d’accès pour les utilisateurs, ainsi que les mesures de sécurité et de protection des données.

Ensuite, la BCE procède à la sélection des fournisseurs qui seront chargés de concevoir la plateforme technologique et l’infrastructure nécessaire au fonctionnement de l’euro numérique. Cet appel d’offres s’adresse aux entreprises spécialisées dans les technologies financières, avec une expertise avérée en matière de solutions de paiement numériques sécurisées et évolutives.

Parallèlement, des essais et expérimentations sont menés pour tester l’euro numérique dans différentes conditions d’utilisation. Ces tests portent sur la rapidité des transactions, la résilience face aux cyberattaques, la capacité à gérer un volume élevé d’opérations et l’interopérabilité avec les systèmes de paiement existants.

De plus, la BCE maintient des échanges réguliers avec le public et les parties prenantes. Des consultations publiques sont organisées pour recueillir les avis des citoyens, des entreprises et des institutions sur les attentes et préoccupations relatives à l’euro numérique. Ces retours d’information sont essentiels pour ajuster le projet afin qu’il réponde au mieux aux besoins des utilisateurs tout en respectant les exigences de l’Eurosystème.

Enfin, un cadre juridique est élaboré en collaboration avec les instances législatives de l’Union européenne. La Commission européenne a d’ailleurs transmis une proposition de règlement établissant l’euro numérique au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne le 28 juin 2023. Ce processus législatif est déterminant pour définir les conditions d’émission et d’utilisation de l’euro numérique sur le territoire européen.

Caractéristiques et objectifs de l’euro numérique : une monnaie adaptée à l’ère digitale

L’euro numérique se distingue des cryptomonnaies privées par son émission centralisée et sa garantie par une institution publique. En effet, il serait émis directement par la Banque centrale européenne, à l’instar des billets et pièces en euros actuellement en circulation.

Accessible à toute personne ou entreprise résidant dans la zone euro, l’euro numérique serait accepté dans tous les États membres ayant adopté l’euro comme monnaie officielle. Son utilisation serait possible via des portefeuilles numériques sécurisés, fournis par les banques commerciales ou d’autres prestataires de services de paiement agréés.

L’un des principaux objectifs de l’euro numérique est de fournir un accès facilité à la monnaie publique dans un contexte de digitalisation croissante des transactions. Il s’agit de proposer une alternative sûre et efficace aux moyens de paiement privés, tout en préservant la confidentialité des données et la protection de la vie privée des utilisateurs.

En outre, l’euro numérique vise à renforcer l’inclusion financière. En offrant un moyen de paiement accessible sans compte bancaire traditionnel, il pourrait faciliter la participation des populations non bancarisées à l’économie numérique. De plus, il contribuerait à réduire les coûts et délais associés aux transactions transfrontalières au sein de la zone euro.

Sur le plan macroéconomique, l’euro numérique permettrait à la BCE de consolider sa politique monétaire en adaptant ses instruments aux nouvelles réalités technologiques. Il offrirait également une réponse aux initiatives de monnaies numériques étrangères, telles que le yuan numérique chinois, en affirmant la souveraineté monétaire européenne sur la scène internationale.

Calendrier et perspectives : vers une possible émission en 2027

Le calendrier du projet d’euro numérique s’articule autour de plusieurs étapes clés. Après la phase d’investigation de 2021 à 2023 et la phase préparatoire de 2023 à 2025, la décision finale d’émettre ou non l’euro numérique interviendra à l’issue du processus législatif et des expérimentations techniques.

Selon les projections actuelles, la période allant jusqu’en octobre 2025 sera consacrée à la finalisation des règles de fonctionnement, aux tests en conditions réelles et à l’ajustement des aspects juridiques. Si les résultats sont concluants et que le cadre réglementaire est en place, l’euro numérique pourrait entrer dans sa phase de développement à partir de novembre 2025.

Cette phase de développement impliquerait la mise en place de l’infrastructure technologique définitive, la formation des acteurs de marché et la sensibilisation du public à ce nouvel instrument monétaire. L’émission effective de l’euro numérique pourrait alors intervenir entre 2027 et 2028, sous réserve de l’approbation des instances européennes et du succès des étapes préalables.

Il convient toutefois de souligner que ce calendrier reste indicatif et dépend de nombreux facteurs. Les avancées technologiques, les retours des expérimentations, les évolutions législatives et les réactions des acteurs de marché influenceront la progression du projet. La BCE insiste sur l’importance de procéder avec prudence et rigueur pour garantir la fiabilité et la sécurité de l’euro numérique.

Par ailleurs, la coordination avec les autres banques centrales travaillant sur des projets similaires est essentielle. Des initiatives sont en cours aux États-Unis, en Chine, au Royaume-Uni et dans d’autres pays, ce qui souligne l’importance stratégique des monnaies numériques de banque centrale (MNBC) à l’échelle mondiale.

Enjeux pour les acteurs économiques : opportunités et défis du projet

Le projet d’euro numérique soulève des enjeux majeurs pour les acteurs économiques européens, qu’il s’agisse des institutions financières, des entreprises ou des consommateurs.

Pour les banques commerciales, l’euro numérique représente à la fois une opportunité et un défi. D’un côté, elles pourraient proposer de nouveaux services liés à la gestion des portefeuilles numériques et à la facilitation des transactions. De l’autre, l’intermédiation traditionnelle pourrait être remise en question si les particuliers ont un accès direct à la monnaie de la banque centrale, ce qui pourrait influencer les dépôts et les modèles d’affaires bancaires.

Les entreprises, notamment les commerçants, bénéficieraient de moyens de paiement plus efficaces, sécurisés et rapides. Les transactions en euro numérique pourraient réduire les coûts liés aux commissions des intermédiaires et améliorer la fluidité des paiements, en particulier pour le commerce électronique et les transactions transfrontalières.

Pour les consommateurs, l’euro numérique offrirait une alternative fiable aux moyens de paiement existants, avec la garantie de la BCE en termes de stabilité et de sécurité. Il pourrait également favoriser l’inclusion financière en permettant aux personnes non bancarisées d’accéder à des services de paiement numériques simples et sécurisés.

Cependant, des préoccupations subsistent quant à la protection des données personnelles et à la confidentialité des transactions. La BCE a affirmé son engagement à respecter la vie privée des utilisateurs, en mettant en place des mécanismes permettant des transactions anonymes pour les petits montants, tout en assurant une traçabilité nécessaire pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

De plus, la transition vers l’euro numérique nécessite une adaptation des infrastructures et des systèmes informatiques. Des investissements seront requis pour moderniser les équipements, former le personnel et garantir la compatibilité avec les nouveaux protocoles de paiement.

Un projet stratégique en phase avec les évolutions mondiales

Le projet d’euro numérique s’inscrit dans une dynamique globale de transformation des systèmes monétaires. Face à la digitalisation rapide des paiements et à l’émergence de nouvelles formes de monnaies, l’Union européenne entend préserver sa souveraineté monétaire et rester compétitive au niveau international.

Les avancées réalisées depuis 2021 témoignent de la volonté des institutions européennes de mener ce projet avec sérieux et pragmatisme. La phase préparatoire actuellement en cours permettra de définir les contours précis de l’euro numérique et d’évaluer son impact sur l’économie européenne.

Les prochaines années seront décisives pour concrétiser ce projet ambitieux. Les acteurs économiques sont invités à suivre de près son évolution, à contribuer aux consultations et à se préparer aux changements qu’il engendrera dans les pratiques financières et commerciales.

En définitive, l’euro numérique pourrait constituer une avancée majeure pour l’Union européenne, offrant une monnaie adaptée aux défis de l’ère numérique, tout en renforçant la stabilité et l’efficacité du système monétaire européen.