La Banque de France fait un pas majeur vers l’innovation en transformant ses pratiques d’investissement. En décembre 2024, elle a réalisé deux opérations de marché inédites sur des actifs tokénisés. Ces transactions, menées avec Société Générale et BNP Paribas, marquent une évolution significative en matière d’intégration de la blockchain et de la Monnaie Numérique de Banque Centrale (MNBC) dans les pratiques financières traditionnelles. Cet article plonge au cœur de ces avancées révolutionnaires, dévoilant les défis et les opportunités qu’elles révèlent pour le système financier global.
Les actifs tokénisés comme nouvel horizon des transactions financières
Les actifs tokénisés, ou titres numériques inscrits sur blockchain, modifient la structure des transactions financières. Grâce à la technologie des registres distribués (DLT), ils permettent une traçabilité accrue, réduisent les délais de règlement et simplifient les processus. La Banque de France a su exploiter ces avantages via deux initiatives concrètes : une prise en pension livrée avec Société Générale et l’achat direct d’un titre tokénisé auprès de BNP Paribas. Ces opérations soulignent une réinvention des mécanismes traditionnels à travers une infrastructure décentralisée mais interopérable.
Le recours à la blockchain DL3S, solution d’interopérabilité développée par la Banque de France, a été crucial. Cette plateforme permet aux transactions sur MNBC de s’intégrer à différents environnements technologiques bancaires. Cela garantit un système fluide et cohérent entre les acteurs, répondant aux exigences des régulateurs. L’expérience menée avec Société Générale, qui a utilisé des obligations émises sur la blockchain publique Ethereum, illustre une nouvelle dynamique. Ces instruments, souvent perçus comme complexes ou risqués, démontrent leur pertinence dans un cadre réglementé.
Cette avancée s’inscrit dans un contexte où les actifs numériques prennent une ampleur croissante. Selon une étude de Deloitte publiée en 2023, 80 % des grandes institutions financières considèrent désormais que la tokenisation est un levier stratégique pour améliorer l’efficacité des marchés secondaires.
Opérations en grandeur réelle avec Société Générale et BNP Paribas
La première opération, conduite avec Société Générale, consistait en une prise en pension livrée (repo). Ici, la valeur des titres obligataires émis sur Ethereum en 2020 a servi de garantie pour des jetons MNBC. L’implication de Société Générale-FORGE, acteur clé des solutions blockchain, démontre une forte collaboration entre institutions financières et innovateurs. Cette étape a permis de tester la robustesse des fonctionnalités de DL3S, notamment son interopérabilité avec d’autres plateformes telles que celle de la Société Générale.
La deuxième opération concernait l’acquisition d’un titre tokénisé, émis par un État européen. Cette transaction a été réalisée sur la plateforme Neobonds de BNP Paribas, laquelle repose sur une blockchain privée. Cette approche diversifie les expériences, comparant les blockchains publiques comme Ethereum et les blockchains institutionnelles privées. Notamment, les OST (opérations sur titres) associées, comme la tombée de coupons et le remboursement, ont été réglées automatiquement en MNBC. Ce processus démontre la capacité de la Banque de France à exécuter des transactions sophistiquées en adoptant des technologies décentralisées de nouvelle génération.
Il est à noter que ces deux expériences vont probablement encourager d’autres banques centrales à envisager des initiatives similaires. Par exemple, la Banque centrale d’Angleterre et la Banque nationale suisse mènent également des recherches actives sur l’usage des MNBC pour les échanges sur blockchain. Ces tests convergent vers un objectif commun : moderniser les infrastructures du système financier mondial tout en assurant une stabilité robuste.
L’interopérabilité technologique, clé de voûte des nouvelles pratiques
Ces expériences mettent en lumière l’importance de l’interopérabilité. Les différentes plateformes utilisées – DL3S, Ethereum et Neobonds – montrent que la collaboration technologique entre acteurs est primordiale pour éviter les silos. La Banque de France a investi dans des solutions capables de connecter plusieurs systèmes tout en respectant les exigences réglementaires strictes.
L’enjeu majeur pour le déploiement massif de ces technologies réside dans l’harmonisation des standards techniques au niveau européen, voire global. L’Union Européenne a déjà initié des discussions dans ce sens via son « European Blockchain Partnership ». En parallèle, les institutions privées, comme Société Générale-FORGE, développent des outils facilitant l’utilisation transfrontalière de la MNBC.
D’un autre côté, la cybersécurité devient un levier essentiel dans l’adoption de ces outils. Les blockchains publiques, bien qu’efficaces pour la transparence, posent encore des défis en termes de sécurité. Le succès des tests réalisés par la Banque de France prouve que les blockchains privées partiellement décentralisées peuvent garantir un juste équilibre entre innovation et contrôle.
Vers une intégration des MNBC dans les pratiques globales ?
Depuis ses premières expérimentations en 2020, la Banque de France ne cesse de progresser dans l’intégration des MNBC. Ces initiatives ne se limitent pas seulement aux essais. Elles indiquent clairement que les banques centrales envisagent de jouer un rôle actif dans la finance de demain. Selon la Banque des Règlements Internationaux (BRI), près de 60 % des autorités monétaires explorent ou testent activement la MNBC.
Cependant, pour que les MNBC trouvent une place dans les marchés traditionnels, une réglementation solide et harmonisée est nécessaire. L’Union Européenne, avec le cadre législatif MiCA (Markets in Crypto-Assets), vise à créer un environnement favorable, bien que les défis perdurent pour les transactions transfrontalières.
La phase actuelle reste encore expérimentale, mais l’avancée de la Banque de France prouve que les premières solutions sont fonctionnelles et adaptables. En impliquant des acteurs novateurs comme Société Générale-FORGE et BNP Paribas, elle met en lumière une nouvelle dynamique de collaboration entre institutions financières établies et nouvelles technologies.
L’expérience française pourrait servir de modèle pilote à l’échelle de la zone euro, où les discussions sur un euro numérique s’accélèrent. Cela pourrait également inspirer d’autres grandes puissances économiques à rejoindre ce mouvement.
Avec ces deux opérations réussies sur DL3S, la Banque de France démontre sa capacité à combiner innovation et pragmatisme tout en garantissant la stabilité financière. Ce tournant ouvre la voie à un futur où actifs tokénisés et MNBC redéfinissent les mécanismes des marchés financiers. Dans un monde en mutation rapide, ces avancées laissent entrevoir un système bancaire plus efficient, durable et transparent.