Les fonds en euros traditionnels affichent des rendements moyens de 2,5 % en 2024, un niveau historiquement faible qui ne suffit plus à couvrir l’inflation réelle. Face à cette stagnation, les assureurs déploient massivement les fonds euro-croissance, une classe d’actifs hybride lancée en 2014 mais longtemps sous-utilisée. Pour les CGP, cette alternative représente aujourd’hui un levier stratégique pour dynamiser les allocations clients sans renoncer totalement à la sécurité du capital. Maîtriser ses mécaniques techniques et ses subtilités contractuelles devient un différenciateur majeur dans le conseil patrimonial.
Sommaire
- 1 Architecture technique et mécanique de garantie différée : comprendre le moteur des fonds euro-croissance
- 2 Positionnement risque-rendement et allocation stratégique dans le portefeuille d’assurance-vie
- 3 Simulateur de performance et analyse scénarisée : outiller le conseil pour crédibiliser la recommandation
- 4 Intégration opérationnelle dans la pratique du CGP : sélection, communication et suivi client
- 5 L’euro-croissance comme marqueur de conseil patrimonial sophistiqué : au-delà du produit, une posture professionnelle
Architecture technique et mécanique de garantie différée : comprendre le moteur des fonds euro-croissance
Le fonds euro-croissance repose sur une garantie en capital à échéance, typiquement fixée entre 8 et 20 ans selon les contrats. Contrairement au fonds euros classique où la garantie joue quotidiennement, ici le capital investi n’est protégé qu’au terme du délai contractuel ou en cas de décès.
Cette architecture permet aux assureurs d’allouer massivement sur des actifs de croissance : entre 30 % et 60 % d’actions contre moins de 10 % sur les fonds euros traditionnels. Le solde se répartit entre obligations diversifiées, immobilier coté et parfois dette privée.
Le mécanisme d’effet de cliquet dégressif
À la différence du fonds euros qui cristallise chaque année les gains acquis, l’euro-croissance applique un effet de cliquet dégressif. Les plus-values sont constatées annuellement mais ne deviennent définitivement acquises qu’au fil du temps, selon une courbe de lissage.
Exemple concret : un client investit 100 000 € sur un euro-croissance à échéance 12 ans. Après 3 ans, le fonds affiche +18 %. Seule une fraction (par exemple 25 % du gain) est garantie de manière irrévocable. En cas de retrait anticipé la quatrième année, il récupère le capital initial majoré uniquement de cette part garantie et de la valeur de marché restante, exposée à volatilité.
Le vrai enjeu pédagogique : faire comprendre au client que l’euro-croissance n’est pas un fonds euros « amélioré » mais un véritable produit structuré à horizon patrimonial.
Quels sont les véritables bénéfices pour l’assureur ?
- Allègement des contraintes Solvabilité II grâce à la duration longue
- Capacité à investir sur des actifs décotés ou illiquides sans pression de liquidité court terme
- Réduction de la pression sur les provisions techniques
Pour le CGP, cette compréhension fine permet de repositionner l’euro-croissance non comme un produit marketing, mais comme une solution structurante dans un objectif de transmission ou de préparation retraite à horizon défini.
Action immédiate : Constituez une grille comparative contractuelle des principaux euro-croissance du marché (durée de garantie, allocation cible, frais, possibilités de sorties partielles) pour objectiver vos recommandations client.
Positionnement risque-rendement et allocation stratégique dans le portefeuille d’assurance-vie
L’euro-croissance se positionne entre le fonds euros (risque 1-2/7) et les unités de compte actions (risque 5-7/7). Sur le référentiel SRRI, la plupart affichent un niveau de risque 3 à 4, selon la part d’actifs volatils.
Les performances constatées depuis 2018 oscillent entre 3,5 % et 6,5 % annuels selon les millésimes et stratégies d’allocation. En 2023, plusieurs fonds ont dépassé les 5 %, soit le double des fonds euros moyens, mais avec une volatilité intra-annuelle de 8 à 12 %.
Analyse comparative : euro-croissance vs fonds euros classique
| Critère | Fonds euros | Euro-croissance | Unités de compte équilibrées |
|---|---|---|---|
| Garantie en capital | Permanente | À échéance (8-20 ans) | Aucune |
| Rendement moyen 2023 | 2,5 % | 4,8 % | 6,2 % |
| Volatilité annuelle | < 0,5 % | 8-12 % | 10-15 % |
| Exposition actions | < 10 % | 30-60 % | 40-70 % |
| Liquidité | Totale | Pénalisante avant terme | Totale |
| Optimisation Solvabilité II | Forte pression | Allègement significatif | Neutre |
Comment construire une allocation optimale avec l’euro-croissance ?
Trois modèles d’utilisation se dégagent selon le profil et l’horizon :
Profil prudent équilibré (horizon 10-15 ans) :
– 40 % fonds euros sécurisé
– 40 % euro-croissance échéance 12 ans
– 20 % UC diversifiées (obligations et immobilier)
Profil transmission longue (horizon 20 ans+) :
– 20 % fonds euros (liquidité de précaution)
– 50 % euro-croissance échéance 18-20 ans
– 30 % UC actions internationales
Profil transition retraite (5-8 ans avant liquidation) :
– 60 % fonds euros
– 30 % euro-croissance échéance courte (8 ans)
– 10 % UC obligataires courtes
Principe directeur : l’euro-croissance ne doit jamais représenter la totalité de la poche sécurisée, mais constituer le cœur de la stratégie de rendement garanti à terme.
Action immédiate : Segmentez votre portefeuille clients selon l’horizon patrimonial et identifiez ceux pour qui l’euro-croissance répond à un besoin structurant de performance sécurisée différée. Proposez systématiquement un comparatif simulé sur leur durée résiduelle estimée.
Simulateur de performance et analyse scénarisée : outiller le conseil pour crédibiliser la recommandation
La complexité de l’euro-croissance exige un discours chiffré et scénarisé pour convaincre. Un simple discours qualitatif ne suffit plus face à des clients formés et exigeants.
Construction d’un simulateur type
Pour un capital investi de 150 000 € sur un euro-croissance échéance 12 ans avec allocation 45 % actions / 55 % obligataire :
Scénario favorable (rendement annuel moyen 5,5 %) :
– Capital à échéance : 264 000 €
– Plus-value totale : 114 000 €
– Performance nette annualisée : 5,5 %
Scénario médian (rendement 4 %) :
– Capital à échéance : 240 000 €
– Plus-value : 90 000 €
– Performance nette annualisée : 4 %
Scénario défavorable (rendement 2 %) :
– Capital à échéance : 190 000 € (garantie en capital + faible croissance)
– Plus-value : 40 000 €
– Performance nette annualisée : 2 %
Que se passe-t-il en cas de sortie anticipée ?
Cette question revient systématiquement. La réponse doit être précise et transparente.
En année 5, si le fonds affiche +35 % mais que seulement 40 % du gain est cristallisé :
– Gain acquis définitif : 35 % × 40 % = 14 %
– Gain soumis à volatilité : 21 % exposé au risque de marché au moment du retrait
Le client récupère donc 150 000 € + 21 000 € (garanti) + valeur de marché variable du reste. En cas de krach, il peut perdre une partie significative du gain non cristallisé.
Quel impact fiscal et successoral ?
L’euro-croissance bénéficie du même régime fiscal que l’assurance-vie classique :
– Abattement de 4 600 € (9 200 € pour un couple) après 8 ans
– Prélèvement forfaitaire de 7,5 % sur les gains après abattement (versements < 150 000 €)
– Transmission hors succession jusqu’à 152 500 € par bénéficiaire
L’avantage majeur réside dans la performance potentiellement supérieure qui maximise l’effet de levier fiscal sur la durée, sans dégrader l’enveloppe successorale.
Formule à retenir : « L’euro-croissance transforme du temps de détention en performance garantie, tout en préservant l’optimisation fiscale et successorale de l’assurance-vie. »
Action immédiate : Développez trois simulations types (conservateur, équilibré, dynamique) avec tableur Excel intégrant les effets de cliquet progressifs. Présentez-les systématiquement lors de vos rdv patrimoniaux pour ancrer visuellement la mécanique dans l’esprit client.
Intégration opérationnelle dans la pratique du CGP : sélection, communication et suivi client
La recommandation d’un euro-croissance nécessite une approche processée pour éviter les incompréhensions et réclamations ultérieures.
Checklist de qualification client avant recommandation
Avant toute préconisation, vérifiez :
- Horizon patrimonial minimal de 8 ans sans besoin de liquidité sur le montant investi
- Compréhension validée de l’absence de garantie permanente
- Profil risque compatible (minimum équilibré ou prudent dynamique)
- Allocation globale permettant de positionner l’euro-croissance comme complément, jamais comme cœur unique
- Objectif patrimonial identifié : retraite, transmission, projet long terme
Argumentaire différenciant face aux objections classiques
« Pourquoi pas simplement des UC actions si je prends du risque ? »
Réponse différenciante : « Parce que l’euro-croissance combine performance de marché ET filet de sécurité à échéance. C’est le seul support qui vous permet de capter la hausse des actions tout en garantissant que dans 12 ans, quoi qu’il arrive, vous récupérez au minimum votre capital. C’est une assurance contre le mauvais timing de sortie. »
« Et si j’ai besoin de l’argent avant ? »
Réponse structurante : « C’est précisément pourquoi nous dimensionnons votre allocation globale avec une poche euros liquide et un euro-croissance positionné sur votre horizon ferme. Cette approche bicéphale optimise rendement ET disponibilité. »
Comment réaliser un suivi annuel pertinent ?
Le suivi d’un euro-croissance exige un reporting spécifique :
- Tableau de bord annuel incluant :
- Performance constatée de l’année
- Taux de cristallisation du gain (effet cliquet)
- Montant garanti acquis définitivement
- Valorisation de marché totale
- Projection actualisée à échéance
- Rendez-vous de revue à dates clés :
- Année 3 : validation de la stratégie et ajustement si changement de situation
- Année 6-7 : réflexion sur le maintien jusqu’à terme ou arbitrage progressif
- Année 10+ : préparation de la sortie et optimisation fiscale
- Communication proactive lors des phases de volatilité :
- Rappel du mécanisme de garantie à échéance
- Mise en perspective de la performance vs objectif initial
- Réassurance sur la non-pertinence d’une sortie anticipée
Quelles sont les erreurs à éviter absolument ?
Les principales sources de contentieux CGP-client sur l’euro-croissance :
- Positionner le produit comme « un fonds euros boosté » sans expliquer la garantie différée
- Investir la totalité d’un capital avec besoin de liquidité court-moyen terme
- Négliger l’explication de l’effet de cliquet et de ses conséquences sur les sorties anticipées
- Omettre de documenter par écrit la compréhension du fonctionnement (traçabilité conseil)
Règle d’or en gestion privée : tout euro-croissance recommandé doit être accompagné d’une simulation écrite comparative sur trois scénarios (bas/moyen/haut) avec explicitation des sorties anticipées. Cette documentation protège juridiquement et professionnalise la relation.
Action immédiate : Créez une fiche produit standardisée d’une page par euro-croissance utilisé, avec schéma du mécanisme de garantie, historique de performance, allocation cible et tableau comparatif vs fonds euros. Remettez-la systématiquement lors de la recommandation.
L’euro-croissance comme marqueur de conseil patrimonial sophistiqué : au-delà du produit, une posture professionnelle
L’intégration maîtrisée de l’euro-croissance dans vos allocations clients transcende la simple recommandation produit. Elle signale votre capacité à conjuguer innovation financière et sécurité patrimoniale, deux exigences que vos clients fortunés considèrent souvent comme contradictoires.
Les CGP qui excellent sur ce terrain partagent trois caractéristiques communes :
- Ils positionnent l’euro-croissance dans une logique d’architecture globale, jamais en solution isolée
- Ils maîtrisent le vocabulaire technique (cliquet dégressif, garantie actuarielle, allocation contrainte Solvabilité II) sans jargonner
- Ils documentent, simulent et scénarisent chaque recommandation avec rigueur mathématique
Cette posture professionnelle vous différencie radicalement des réseaux bancaires qui présentent l’euro-croissance comme un simple « fonds euros amélioré ». Vous devenez alors le conseil patrimonial qui structure le temps et transforme la contrainte d’immobilisation en performance différentielle garantie.
Dans un environnement où les fonds euros poursuivront leur déclin structurel sous la pression réglementaire et la baisse des taux obligataires longs, l’euro-croissance s’impose comme la nouvelle colonne vertébrale des allocations sécurisées à horizon.
Action finale : Organisez un webinaire interne trimestriel pour suivre l’évolution des performances comparées des principaux fonds euro-croissance du marché. Partagez ces analyses avec vos clients sous forme de flash patrimonial pour asseoir votre positionnement d’expert en veille permanente.
Mini-FAQ complémentaire
Peut-on arbitrer d’un fonds euros vers un euro-croissance sans incidence fiscale ?
Oui, l’arbitrage au sein d’un contrat d’assurance-vie est fiscalement neutre. Seuls les rachats (sorties d’argent) sont imposables. Attention toutefois : l’antériorité fiscale du contrat est préservée, mais la garantie à échéance de l’euro-croissance démarre à la date d’arbitrage.
Les frais sur les euro-croissance sont-ils plus élevés ?
Généralement oui, de 0,3 à 0,6 point supplémentaire vs un fonds euros, en raison d’une gestion active plus sophistiquée. Mais cette différence est largement compensée par l’écart de performance attendu (2 à 3 points annuels).
Que devient l’euro-croissance en cas de décès avant le terme ?
Le capital garanti (capital initial + gains cristallisés) est transmis aux bénéficiaires. Si la valeur de marché est supérieure, c’est cette dernière qui est versée. Le décès « débloque » donc toujours la meilleure valeur, ce qui en fait un outil de transmission performant.

