Immobilier et rénovation énergétique : comment arbitrer entre vendre ou rénover en 2025

Découvrez comment la RE2020 et le DPE transforment l’immobilier français : impact sur la valorisation, stratégies de rénovation et opportunités d’investissement vert.

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Immobilier et rénovation énergétique : comment arbitrer entre vendre ou rénover en 2025

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L’immobilier résidentiel français traverse une mutation réglementaire sans précédent. Depuis l’entrée en vigueur de la RE2020 et le durcissement progressif du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), les actifs immobiliers se répartissent désormais entre patrimoine conforme et patrimoine à risque. Pour les conseillers en gestion de patrimoine, cette transformation impose une réévaluation systématique des portefeuilles clients et ouvre un nouveau champ d’expertise différenciante : celui de l’arbitrage environnemental patrimonial.

La RE2020 et le DPE : deux piliers réglementaires qui redessinent la valorisation immobilière

La Réglementation Environnementale 2020, applicable à toutes les constructions neuves depuis janvier 2022, constitue le premier étage de la transformation normative. Elle impose trois exigences cumulatives : optimisation énergétique, limitation de l’empreinte carbone des matériaux, et confort d’été sans climatisation excessive.

Contrairement à la RT2012 qui se concentrait uniquement sur la consommation énergétique, la RE2020 intègre l’analyse du cycle de vie des bâtiments. Les promoteurs doivent désormais démontrer que leurs projets n’excèdent pas 740 kg CO₂/m² sur l’ensemble du cycle de construction (seuil progressivement abaissé à 415 kg CO₂/m² en 2031).

Cette exigence favorise structurellement certains matériaux (bois, biosourcés) et pénalise d’autres (béton traditionnel, acier non recyclé). Pour les CGP, cela signifie que les programmes neufs commercialisés aujourd’hui intègrent déjà un premium environnemental dans leur prix de vente, mais bénéficieront d’une meilleure résilience réglementaire à moyen terme.

Le DPE nouvelle génération, opposable depuis juillet 2021, classe désormais 17% du parc locatif français en catégorie F ou G, soit environ 4,8 millions de logements concernés par les interdictions de location progressives.

Le calendrier d’interdiction est désormais acté :

  • Depuis janvier 2023 : gel des loyers pour les logements classés F et G
  • Depuis janvier 2025 : interdiction de louer les logements G+ (consommation supérieure à 450 kWh/m²/an)
  • 2028 : interdiction étendue à l’ensemble des logements G
  • 2034 : interdiction pour tous les logements F

Conseil opérationnel immédiat : Constituez pour chaque client propriétaire bailleur une cartographie précise de son patrimoine locatif avec DPE actualisé. Identifiez les actifs en zone rouge (F-G) et initiez dès maintenant un plan de rénovation échelonné ou d’arbitrage, avant que le marché ne se sature de biens déclassés.


Dévalorisation différenciée : comment quantifier l’impact sur les actifs non-conformes

Les premières études de marché révèlent une décote moyenne de 10 à 20% pour les biens classés F ou G par rapport aux biens équivalents classés D ou E, avec des disparités géographiques marquées.

Dans les métropoles sous tension (Paris, Lyon, Bordeaux), la décote reste contenue autour de 8-12% car la rareté foncière maintient artificiellement les prix. En revanche, dans les villes moyennes et zones rurales, certains biens énergivores peuvent subir des décotes atteignant 25 à 30%, voire devenir invendables.

Classe DPE Décote moyenne constatée Liquidité du marché Risque réglementaire
A – B +5 à +15% (premium vert) Très forte Nul
C – D Référence marché Forte Faible
E -3 à -8% Moyenne Modéré (2034)
F -10 à -18% Faible Élevé (2028)
G -15 à -30% Très faible Critique (2025-2028)

Cette décote ne reflète pas seulement la contrainte réglementaire, mais intègre également le coût anticipé des travaux de rénovation énergétique. Pour faire passer un logement de la classe G à la classe D (seuil minimal pour continuer à louer après 2034), les investissements oscillent entre 25 000 et 60 000 € selon la superficie et la configuration du bien.

Le syndrome de la double peine patrimoniale

Les propriétaires de biens déclassés subissent une double érosion de valeur :

  1. Décote à la revente liée au stigmate environnemental
  2. Perte de revenus locatifs pendant les travaux, voire impossibilité de relouer

Cette double peine s’amplifie dans les copropriétés anciennes, où l’obtention d’un vote favorable pour des travaux lourds (isolation thermique par l’extérieur, remplacement du chauffage collectif) relève souvent du parcours du combattant.

Exemple concret : Un appartement de 70 m² à Toulouse, classé G, acheté 180 000 € en 2019, peine aujourd’hui à trouver preneur au-delà de 145 000 €. Le propriétaire doit arbitrer entre vendre à perte ou investir 35 000 € en rénovation énergétique pour espérer retrouver une valorisation autour de 165 000 €, soit un retour sur investissement incertain.

Conseil opérationnel immédiat : Pour les patrimoines comportant des actifs déclassés, simulez systématiquement trois scénarios (vente immédiate, rénovation légère, rénovation complète) en intégrant les aides MaPrimeRénov’ et les prêts à taux zéro. Privilégiez les arbitrages rapides sur les biens F-G en zone détendue, et les rénovations ciblées sur les biens en zone tendue où la valeur résiduelle post-travaux reste attractive.


Stratégies de rénovation énergétique : optimiser le couple coût-efficacité

La rénovation énergétique n’est plus un choix, mais une obligation patrimoniale. Cependant, toutes les stratégies ne se valent pas. L’enjeu pour le CGP consiste à orienter son client vers les interventions offrant le meilleur gain de classe énergétique par euro investi.

Les trois paliers de rénovation

1. Rénovation par gestes simples (15 000 – 25 000 €)

  • Remplacement de la chaudière fioul/gaz par une pompe à chaleur air-eau
  • Isolation des combles perdus
  • Changement des menuiseries principales

Gain typique : passage de G à E, ou de F à D. Adapté aux budgets contraints et aux biens destinés à être conservés à moyen terme (5-10 ans).

2. Rénovation globale intermédiaire (30 000 – 50 000 €)

  • Isolation thermique par l’extérieur (ITE) ou par l’intérieur selon contraintes architecturales
  • Installation d’un système de chauffage performant (PAC ou chaudière à granulés)
  • Ventilation mécanique contrôlée double flux
  • Traitement des ponts thermiques

Gain typique : passage de G à C, ou de F à B. Recommandé pour les biens de standing en zone tendue, où le premium vert justifie l’investissement initial.

3. Rénovation BBC (Bâtiment Basse Consommation) (60 000 – 100 000 €)

  • Enveloppe isolante complète (murs, toiture, planchers bas)
  • Triple vitrage généralisé
  • Système de chauffage/refroidissement réversible haute performance
  • Production d’énergie renouvelable (panneaux photovoltaïques)
  • Domotique et pilotage intelligent des consommations

Gain typique : atteinte des classes A ou B. Justifié principalement sur des biens patrimoniaux destinés à la transmission ou à la location haut de gamme.

Quelles aides financières mobiliser en 2025 ?

Le dispositif MaPrimeRénov’ a été recentré vers les rénovations d’ampleur. Depuis janvier 2024, seules les rénovations permettant un gain d’au moins deux classes énergétiques bénéficient des aides maximales :

  • MaPrimeRénov’ Parcours Accompagné : jusqu’à 63 000 € pour les ménages très modestes (modulé selon ressources)
  • Éco-PTZ : prêt à taux zéro jusqu’à 50 000 € sur 20 ans
  • TVA réduite à 5,5% sur les travaux de rénovation énergétique
  • Certificats d’Économies d’Énergie (CEE) : primes versées par les fournisseurs d’énergie

Point de vigilance : depuis 2024, MaPrimeRénov’ exige l’accompagnement obligatoire par un Mon Accompagnateur Rénov’ (MAR) pour tous les projets supérieurs à 10 000 €, ajoutant un coût de 1 500 à 3 000 € au budget global.

Conseil opérationnel immédiat : Développez un partenariat avec un ou plusieurs bureaux d’études thermiques certifiés RGE dans votre région. Proposez systématiquement à vos clients un audit énergétique réglementaire avant tout arbitrage immobilier. Cette démarche renforce votre posture d’expert et sécurise juridiquement les recommandations patrimoniales.


Réallocation patrimoniale vers l’immobilier vert : nouvelles opportunités d’investissement

Face aux contraintes réglementaires pesant sur l’ancien non-conforme, l’immobilier vert s’impose comme une classe d’actifs à part entière, structurellement porteuse de valorisation.

Les SCPI à label ISR : véhicules de mutualisation privilégiés

Les Sociétés Civiles de Placement Immobilier (SCPI) labellisées ISR (Investissement Socialement Responsable) ont collecté plus de 2,8 milliards d’euros en 2024, soit 35% de la collecte totale du secteur. Ces véhicules intègrent des critères ESG stricts dans leur politique d’acquisition et s’engagent sur des trajectoires de décarbonation.

Les SCPI les plus vertueuses affichent des patrimoines avec plus de 60% d’actifs classés A, B ou C, et s’engagent à sortir progressivement les actifs F et G de leur portefeuille d’ici 2028.

Avantages pour les investisseurs :

  • Mutualisation du risque réglementaire
  • Gestion professionnalisée des travaux de mise aux normes
  • Accès à des actifs tertiaires neufs ou rénovés inaccessibles en direct
  • Rendements maintenus (4,2% en moyenne en 2024 pour les SCPI ISR)

L’immobilier neuf sous RE2020 : un premium qui se justifie

Les programmes neufs livrés depuis 2022 intègrent structurellement les contraintes de la RE2020. Bien que leur prix d’acquisition soit supérieur de 8 à 12% à celui des programmes équivalents livrés sous RT2012, ils présentent plusieurs atouts :

  • Garantie décennale couvrant les performances énergétiques
  • Charges réduites (factures énergétiques divisées par 2 à 3)
  • Attractivité locative maximale auprès de locataires sensibilisés
  • Résilience réglementaire sur 15-20 ans minimum

Exemple concret : Un T3 neuf de 65 m² à Nantes, livré en 2024, est commercialisé 285 000 € avec un DPE A. Le même T3 dans l’ancien rénové (classe C) se négocie autour de 245 000 €. L’écart de 40 000 € (16%) se justifie par une facture énergétique annuelle réduite de 850 € et une absence de travaux prévisibles sous 15 ans, soit un retour sur investissement différentiel de 8 à 10 ans.

Faut-il privilégier la pierre-papier ou la détention directe pour investir dans l’immobilier vert ?

Critère Détention directe SCPI / OPCI ISR
Ticket d’entrée 150 000 € et plus Dès 1 000 €
Liquidité Faible (délai de revente 3-12 mois) Moyenne (délai de cession 2-6 mois)
Gestion Active (locataire, travaux, fiscalité) Déléguée
Diversification Limitée (1 à 5 biens max.) Large (50 à 200 actifs)
Fiscalité Revenus fonciers ou LMNP Revenus fonciers (SCPI)
Contrôle Total Indirect (via AG)
Rendement net 3 à 5% (hors vacance locative) 4 à 4,5% (net de frais)

Conseil opérationnel immédiat : Pour les patrimoines inférieurs à 500 000 €, privilégiez les SCPI ISR pour leur diversification et leur gestion déléguée. Au-delà, une stratégie mixte (60% pierre-papier, 40% détention directe ciblée sur des actifs A-B en zone tendue) optimise le couple rendement-risque tout en préservant les avantages successoraux de la détention directe.


L’expertise environnementale comme levier de différenciation pour les CGP

Dans un marché immobilier où la norme environnementale devient discriminante, le CGP doit dépasser sa posture traditionnelle de courtier ou d’assembleur de solutions. Il doit incarner le rôle de conseil en stratégie patrimoniale environnementale, capable d’anticiper les ruptures réglementaires et d’arbitrer finement entre conservation, rénovation et réallocation.

Construire une méthodologie d’audit patrimonial environnemental

Intégrez systématiquement à vos bilans patrimoniaux une section dédiée à la conformité environnementale. Cette section doit comporter :

  1. Cartographie énergétique : inventaire complet des DPE, classes énergétiques, échéances réglementaires
  2. Valorisation actualisée : estimation de la décote actuelle et projection sur 5-10 ans en l’absence de travaux
  3. Simulation rénovation : chiffrage de scénarios d’amélioration avec calcul du TRI (Taux de Rentabilité Interne)
  4. Stratégie d’arbitrage : recommandation documentée (conserver/rénover/céder)

Cette démarche structurée positionne immédiatement le CGP comme l’interlocuteur de référence sur ces problématiques émergentes, là où la majorité des confrères restent dans l’attentisme ou les recommandations génériques.

Anticiper les prochaines ruptures réglementaires

La RE2020 et le DPE ne constituent que les premières strates d’une réglementation environnementale appelée à se durcir. Plusieurs textes en cours de finalisation impacteront directement le patrimoine immobilier :

  • Décret Tertiaire : obligation de réduction des consommations énergétiques de 40% d’ici 2030 pour tous les bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m²
  • ZFE (Zones à Faibles Émissions) : extension à 43 agglomérations d’ici 2027, impactant indirectement la valorisation des biens résidentiels mal desservis en transports en commun
  • Taxe carbone immobilière : en discussion au niveau européen, elle pourrait introduire un malus annuel sur les biens énergivores dès 2027-2028

Les CGP qui intègrent dès aujourd’hui ces ruptures prévisibles dans leurs projections patrimoniales se différencient radicalement et créent une véritable barrière à l’entrée concurrentielle.

Conseil opérationnel immédiat : Organisez trimestriellement une veille réglementaire dédiée à l’immobilier environnemental. Synthétisez les évolutions dans une newsletter client positionnée comme un outil d’alerte précoce. Cette démarche proactive renforce votre légitimité d’expert et génère naturellement des rendez-vous de révision patrimoniale.


Naviguer dans la transition : la nouvelle boussole du conseil patrimonial immobilier

L’immobilier résidentiel français vit une transformation aussi profonde que celle provoquée par la loi Carrez ou la libéralisation du crédit dans les années 1990. La norme environnementale s’impose désormais comme un critère de valorisation de premier ordre, au même titre que l’emplacement ou la surface.

Pour les conseillers en gestion de patrimoine, cette mutation représente simultanément un risque et une opportunité. Le risque de voir des portefeuilles clients se dévaloriser silencieusement faute d’anticipation. L’opportunité de créer un nouveau champ d’expertise différenciant, là où le marché manque cruellement de compétences hybrides alliant finance patrimoniale et maîtrise technique environnementale.

Les CGP qui structurent dès maintenant une méthodologie d’audit environnemental, qui développent un réseau de partenaires techniques certifiés (bureaux d’études thermiques, entreprises RGE), et qui intègrent la dimension carbone dans leurs projections patrimoniales, s’assurent une longueur d’avance décisive pour les 10 prochaines années.

L’immobilier ne disparaît pas, il se réinvente. Et dans cette réinvention, l’expertise du CGP devient plus indispensable que jamais.


FAQ – Questions fréquentes

Un bien classé E doit-il être rénové en urgence ?

Non. Les biens classés E ne font pas l’objet d’interdiction de location avant 2034. Cependant, anticiper une rénovation permet de profiter des aides actuelles (MaPrimeRénov’, Éco-PTZ) dont les montants pourraient diminuer après 2028, et d’éviter une future décote de marché.

Les copropriétés sont-elles soumises aux mêmes obligations que les maisons individuelles ?

Oui, le DPE s’applique lot par lot. Cependant, les travaux touchant les parties communes (isolation par l’extérieur, chauffage collectif) nécessitent un vote en assemblée générale, ce qui peut ralentir considérablement les mises aux normes.

Investir dans une SCPI ISR garantit-il un rendement supérieur ?

Pas nécessairement à court terme, mais les SCPI ISR présentent une meilleure résilience face aux ruptures réglementaires et aux évolutions de la demande locative. Leur performance relative devrait s’améliorer structurellement d’ici 2030.