Les produits structurés connaissent une sophistication sans précédent. Entre innovation financière et complexité technique, les conseillers en gestion de patrimoine sont confrontés à des mécaniques de performance dont l’opacité peut masquer des risques substantiels. Face à une clientèle de plus en plus exigeante et à un cadre réglementaire renforcé par MiFID II, la maîtrise de ces instruments devient un différenciateur stratégique. Pourtant, au-delà des plaquettes commerciales séduisantes, combien de CGP disposent réellement d’une grille d’analyse robuste pour décrypter ces architectures financières ?
Sommaire
- 1 L’anatomie des nouveaux produits structurés : comprendre les innovations mécaniques
- 2 La grille d’évaluation technique : méthode de décryptage en quatre dimensions
- 3 Les pièges techniques récurrents : identifier les zones d’ombre
- 4 Cadre réglementaire et obligations du conseil : naviguer entre MiFID II et responsabilité
- 5 Construire votre processus de due diligence propriétaire
- 6 La maîtrise comme avantage concurrentiel durable
- 7 FAQ : Questions essentielles sur les produits structurés
L’anatomie des nouveaux produits structurés : comprendre les innovations mécaniques
Les produits structurés ont évolué bien au-delà des simples autocalls et reverse convertibles qui dominaient le marché il y a encore quelques années. Les émetteurs rivalisent désormais d’ingéniosité pour proposer des mécaniques hybrides combinant plusieurs dimensions de performance.
Les principales innovations mécaniques observées
Les structures à mémoire adaptative constituent la première vague d’innovation majeure. Contrairement aux mécanismes à mémoire classiques où les coupons non versés s’accumulent linéairement, ces produits intègrent des algorithmes de redistribution conditionnelle. Le coupon mémorisé peut être versé selon des déclencheurs alternatifs : franchissement d’un seuil de volatilité, corrélation entre sous-jacents, ou performance relative d’un panier.
Les structures multi-barrières dynamiques représentent une seconde innovation. La barrière de protection ne reste plus fixe pendant toute la durée de vie du produit. Elle peut s’ajuster selon la trajectoire du sous-jacent, créant des « couloirs de sécurité » variables. Cette flexibilité apparente masque souvent une complexité accrue dans le calcul du risque réel.
Les produits à sous-jacents composites gagnent également en popularité. Plutôt qu’un indice ou une action unique, le sous-jacent devient une construction mathématique : moyenne pondérée de performances sectorielles, différentiel de volatilité entre zones géographiques, ou ratio de momentum ajusté. Ces constructions permettent de cibler des convictions d’investissement précises, mais rendent l’évaluation quotidienne quasi impossible pour le client final.
Selon une étude du marché français des produits structurés, 42 % des nouvelles émissions intègrent désormais au moins deux mécaniques innovantes combinées, contre seulement 18 % trois ans auparavant.
Exemple concret : Un produit récemment commercialisé propose un coupon trimestriel de 2,5 % si l’Euro Stoxx 50 termine au-dessus de 85 % de son niveau initial, mais ce coupon est doublé si la volatilité implicite reste sous 20 % pendant le trimestre. En cas de non-versement, le coupon est mémorisé mais ne sera redistributé que si le sous-jacent performe positivement sur les deux trimestres suivants. Cette architecture à trois niveaux de conditionnalité rend le taux actuariel réel extrêmement dépendant de scénarios difficiles à modéliser.
Conseil opérationnel : Établissez systématiquement un tableau récapitulatif des conditions de paiement pour chaque nouvelle structure. Identifiez le nombre de conditions cumulatives nécessaires au versement du coupon annoncé. Au-delà de deux conditions simultanées, le produit nécessite une modélisation stochastique que peu de CGP peuvent réaliser en interne.
La grille d’évaluation technique : méthode de décryptage en quatre dimensions
Face à cette complexité croissante, les CGP doivent s’équiper d’une méthodologie d’analyse structurée. La grille suivante permet d’évaluer systématiquement tout nouveau produit structuré selon quatre dimensions complémentaires.
Dimension 1 : Transparence des mécaniques de déclenchement
Cette première dimension évalue la clarté des conditions de performance. Posez-vous ces questions essentielles :
- Les conditions de paiement sont-elles définies par des seuils fixes ou variables ?
- Le nombre de conditions simultanées nécessaires est-il clairement explicité ?
- Les modalités d’observation (fixing quotidien, hebdomadaire, européenne, américaine) sont-elles précisées ?
- Les éventuels ajustements en cas d’événement extraordinaire sont-ils documentés ?
Système de notation : Attribuez 1 point par élément totalement transparent, 0,5 point si partiellement documenté, 0 si opaque. Un score inférieur à 3/4 doit déclencher une vigilance accrue.
Dimension 2 : Robustesse du capital et mécanismes de protection
L’analyse de la protection en capital nécessite de dépasser la simple mention d’une barrière à 50 % ou 60 %. Examinez :
- Le type de barrière : européenne (observation uniquement à maturité) ou américaine (observation continue)
- La présence éventuelle de périodes d’observation exclues
- Les mécanismes de « step-down » ou « step-up » de la barrière
- La qualité de crédit de l’émetteur et l’existence d’une garantie tierce
Type de protection | Niveau de risque | Fréquence marché | Analyse recommandée |
---|---|---|---|
Barrière européenne 50% | Modéré | 35% des émissions | Stress-test -50% |
Barrière américaine 60% | Élevé | 28% des émissions | VaR historique quotidienne |
Protection à maturité uniquement | Très élevé | 15% des émissions | Analyse parcours extrêmes |
Protection conditionnelle | Variable | 22% des émissions | Modélisation Monte-Carlo |
Exemple terrain : Un produit affichait une « protection à 100 % du capital à maturité ». L’analyse fine révélait que cette protection ne jouait que si le sous-jacent n’avait jamais franchi la barrière de 70 % pendant la vie du produit, et uniquement si l’investisseur conservait le produit jusqu’à l’échéance de 8 ans. Une revente anticipée (liquidité très faible sur le secondaire) entraînait une valorisation à la valeur de marché, potentiellement très inférieure au nominal.
Dimension 3 : Coûts implicites et rémunération embarquée
Cette dimension reste la plus opaque. Les coûts totaux d’un produit structuré se décomposent en plusieurs strates souvent invisibles :
- Marge de structuration : rémunération de l’émetteur pour la création du produit (typiquement 2 à 5 % du nominal)
- Coûts de couverture : frais liés à l’achat des options nécessaires à la réplication des flux
- Rétrocessions diverses : commissions de distribution, coûts de teneur de marché
- Spread bid-ask : écart entre prix d’achat et de vente sur le marché secondaire
Une méthode d’estimation consiste à décomposer le produit en instruments vanilles équivalents et comparer les valorisations. Par exemple, un produit offrant 5 % de coupon annuel conditionnel sur 5 ans peut être déconstruit comme :
- Un placement monétaire à 3 % (taux sans risque + prime de crédit émetteur)
- La vente d’une option de vente à la barrière choisie
- L’achat d’options d’achat pour le mécanisme autocall
Si la reconstruction théorique offre 6,5 % contre 5 % proposés, l’écart de 1,5 % représente les coûts implicites annualisés.
Un produit structuré absorbe en moyenne entre 2,8 % et 4,2 % du capital investi en coûts divers selon la complexité de la structure, soit l’équivalent de 0,6 % à 0,85 % de frais annuels sur une durée de vie de 5 ans.
Dimension 4 : Scénarios de performance et probabilités réelles
L’analyse des scénarios constitue le cœur de l’évaluation. Les plaquettes commerciales présentent souvent un « scénario central » très favorable. Votre rôle consiste à construire une distribution réaliste des performances attendues.
Méthodologie recommandée :
- Identifiez les cinq scénarios de marché pertinents (très haussier, haussier, neutre, baissier, très baissier)
- Pour chaque scénario, calculez la performance nette du produit structuré
- Comparez avec un benchmark simple (action sous-jacente, indice, obligation)
- Estimez la probabilité de chaque scénario basée sur les volatilités implicites de marché
Conseil actionnable : Exigez systématiquement une simulation de performance selon au moins trois trajectoires du sous-jacent : +30 %, stagnation, -40 %. Comparez ces résultats avec un investissement direct dans le sous-jacent sur la même période. Si le produit structuré sous-performe dans deux scénarios sur trois, interrogez sa pertinence.
Les pièges techniques récurrents : identifier les zones d’ombre
Malgré les obligations réglementaires renforcées, certains mécanismes trompeurs persistent dans les nouvelles générations de produits structurés. Leur identification précoce protège votre responsabilité professionnelle et la confiance de vos clients.
Le piège de l’effet de levier caché
Certains produits intègrent un levier implicite non immédiatement visible. Par exemple, une structure proposant « 150 % de la performance de l’indice, plafonnée à 30 % » paraît attractive. Mais cette sur-performance est souvent financée par une participation de seulement 70 % en cas de baisse, créant un profil asymétrique défavorable.
Question fréquente : Comment identifier rapidement un levier caché dans un produit structuré ?
Calculez le ratio de participation à la hausse divisé par le ratio de participation à la baisse. Un résultat supérieur à 1,3 indique généralement un mécanisme de levier. Demandez ensuite comment ce levier est financé : réduction de la protection en capital, vente d’options supplémentaires, ou réduction du coupon garanti.
L’illusion de la barrière descendante
Les produits à barrière step-down promettent une « sécurité croissante » : la barrière de protection baisse chaque année (par exemple 60 % la première année, puis 55 %, 50 %, etc.). Cette mécanique semble avantageuse car la protection augmente avec le temps.
En réalité, ce mécanisme réduit la valeur temps des options de protection initiales. L’investisseur renonce à une partie substantielle de la protection dans les premières années (période statistiquement la plus volatile après acquisition) en échange d’une amélioration marginale en fin de vie du produit (quand la probabilité de remboursement est déjà élevée).
Conseil pratique : Pour tout produit à barrière variable, calculez la « barrière équivalente fixe » qui offrirait un niveau de protection comparable. Comparez ensuite le coupon proposé avec des produits à barrière fixe de même niveau. L’écart de rémunération reflète le véritable coût de la complexité ajoutée.
La sur-optimisation historique
De nombreux produits sont construits par rétro-ingénierie : on identifie quelle combinaison de paramètres aurait maximisé le rendement sur les 10 dernières années, puis on commercialise cette structure comme « optimale ».
Ce biais de sélection ignore totalement la robustesse prospective de la stratégie. Une structure parfaite sur la décennie 2014-2024 (caractérisée par une baisse continue des taux et une hausse régulière des actions avec volatilité modérée) sera probablement inadaptée à un régime de volatilité élevée et de corrélations instables.
Exemple révélateur : Un produit basé sur la « stratégie Euro Stoxx Low Volatility » a connu un succès commercial important entre 2016 et 2022, affichant des performances historiques de 7 à 9 % annuels. Les souscriptions massives en 2023 ont coïncidé avec un changement de régime de marché où les valeurs défensives ont sous-performé. Les porteurs ont découvert que la stratégie n’était performante que dans des environnements spécifiques non reproductibles.
Les clauses d’ajustement extraordinaire
Lisez attentivement les clauses d’ajustement en cas d’événement extraordinaire : fusion du sous-jacent, modification de la composition d’un indice, changement fiscal. Ces clauses confèrent à l’émetteur une latitude discrétionnaire considérable.
Certains termes standards permettent à l’émetteur de :
- Modifier le sous-jacent de référence
- Ajuster les seuils de barrière « de manière raisonnable » (sans définition précise)
- Déclencher un remboursement anticipé à la valeur de marché
Conseil de due diligence : Créez une checklist des événements extraordinaires couverts par le prospectus. Évaluez la probabilité de chaque événement sur la durée de vie du produit. Si un événement probable (ex : modification majeure d’un indice ESG) laisse une large discrétion à l’émetteur, intégrez ce risque dans votre évaluation globale.
Les modifications unilatérales suite à des événements extraordinaires concernent environ 8 % des produits structurés sur leur durée de vie, avec un impact moyen de -2,1 % sur la valorisation pour l’investisseur.
Le renforcement du cadre réglementaire européen impose aux CGP des obligations substantielles en matière de commercialisation de produits complexes. La conformité ne suffit plus : elle devient un avantage concurrentiel face à des clients mieux informés et plus procéduriers.
Les exigences documentaires de MiFID II
La directive MiFID II impose la fourniture d’un document d’informations clés (DIC ou KID) standardisé pour tous les produits structurés. Ce document de trois pages maximum doit présenter :
- Les objectifs d’investissement et le profil de risque
- Les coûts totaux sur différentes périodes de détention
- Les scénarios de performance (favorable, modéré, défavorable, stress)
- Des précisions sur la nature et les limites de la protection du capital
En tant que CGP, votre responsabilité ne se limite pas à transmettre ce document. Vous devez :
- Vérifier sa cohérence avec les autres documents commerciaux
- Expliquer activement les scénarios défavorables (souvent survolés par le client)
- Documenter que le client a bien compris les risques spécifiques
Question fréquente : Quelle trace documentaire constitue une protection juridique suffisante ?
Au minimum : un compte-rendu d’entretien mentionnant les scénarios de perte discutés, une fiche de connaissance client à jour justifiant l’adéquation du produit, et un accusé de réception signé du KID et du prospectus complet. Photographiez ou scannez systématiquement les documents signés.
Le test d’adéquation renforcé
Pour les produits structurés complexes (catégorie « rouge » selon la classification européenne), un test d’adéquation approfondi est obligatoire. Ce test doit évaluer :
- Les connaissances financières réelles du client (pas uniquement déclaratives)
- Son expérience concrète avec des produits similaires
- Sa capacité à supporter la perte en capital
- Ses objectifs d’investissement et horizon temporel
Une jurisprudence récente impose désormais que le CGP démontre la supériorité objective du produit structuré par rapport à des alternatives plus simples pour le profil spécifique du client. Il ne suffit plus de prouver que le produit convient : il faut justifier qu’il constitue le meilleur choix dans l’univers accessible.
Méthodologie défensive : Pour chaque souscription de produit complexe, rédigez une note de deux pages comparant :
- Le produit recommandé
- Deux alternatives plus simples (ex : fonds diversifié, allocation action/obligation)
- Une justification argumentée de la supériorité du produit structuré pour les objectifs spécifiques
Cette note, versée au dossier client, constitue votre meilleure protection en cas de litige ultérieur.
Les zones grises de la responsabilité
Plusieurs situations ambiguës créent des risques juridiques pour les CGP :
L’actualisation des recommandations : si les conditions de marché évoluent substantiellement après la souscription, devez-vous contacter proactivement le client ? La réponse légale reste floue, mais la jurisprudence tend vers une obligation de suivi, particulièrement si vous facturez des honoraires récurrents.
La revente sur le marché secondaire : les produits structurés connaissent souvent une décote importante en cas de revente anticipée (10 à 25 % du nominal). Devez-vous alerter systématiquement le client sur cette illiquidité ? Les autorités considèrent désormais que oui, avec une mention explicite dans le compte-rendu d’entretien.
Les conflits d’intérêts : si vous percevez une rétrocession sur le produit structuré, celle-ci doit être divulguée en montant exact (pas uniquement en pourcentage), et vous devez démontrer qu’elle n’a pas biaisé votre recommandation.
Conseil opérationnel : Élaborez un « questionnaire de validation finale » que vous complétez avec le client juste avant signature. Incluez des questions fermées du type : « Avez-vous compris que vous pourriez perdre X % de votre capital dans le scénario défavorable ? », « Avez-vous compris que la revente anticipée pourrait entraîner une perte de Y % ? ». La signature de ce questionnaire constitue une protection substantielle.
Construire votre processus de due diligence propriétaire
Au-delà des grilles d’analyse standardisées, chaque cabinet de CGP devrait développer son processus de validation interne pour les produits structurés. Cette systematisation renforce la qualité du conseil et protège l’organisation.
Les quatre piliers d’une due diligence robuste
Pilier 1 : La validation de la source
Tous les émetteurs ne présentent pas le même niveau de fiabilité. Établissez une liste restreinte d’émetteurs avec lesquels vous acceptez de travailler, basée sur :
- La notation de crédit (minimum A- pour les expositions significatives)
- L’historique de traitement des clients en cas de difficulté
- La qualité et la transparence de la documentation fournie
- La réactivité du support technique pour vos questions
Révisez cette liste semestriellement. Un émetteur qui dégrade ses standards documentaires ou multiplie les clauses opaques doit être retiré de votre univers, même si ses produits affichent des rendements attractifs.
Pilier 2 : Le stress-testing systématique
Développez ou acquérez un outil de simulation permettant de tester tout produit structuré selon différents scénarios de marché. Cet outil doit pouvoir :
- Simuler 1000 trajectoires aléatoires du sous-jacent selon différents profils de volatilité
- Calculer la distribution des performances finales
- Identifier les percentiles de performance (10e, 25e, 50e, 75e, 90e)
- Comparer avec un benchmark simple
Exemple d’application : Un produit affichait un rendement « attendu » de 6,5 % sur 5 ans. Le stress-testing révélait que ce rendement n’était atteint que dans 42 % des simulations. Dans 28 % des cas, le rendement final était inférieur à 2 %, et dans 12 % des scénarios, une perte en capital survenait malgré la barrière à 60 %. Ces statistiques, présentées au client, ont permis une décision éclairée (souscription partielle à hauteur de 15 % du portefeuille au lieu des 40 % initialement envisagés).
Pilier 3 : Le comité de validation produit
Si votre structure compte plusieurs conseillers, instaurez un comité mensuel chargé de valider collectivement les nouveaux produits structurés avant toute commercialisation. Cette approche collégiale :
- Mutualise l’expertise technique
- Crée une trace documentaire de la réflexion
- Protège les conseillers individuels en cas de litige
- Améliore la cohérence des recommandations
Le comité doit produire une fiche de validation standardisée pour chaque produit, comportant :
- Scoring selon votre grille d’évaluation
- Profils clients cibles recommandés
- Allocation maximale conseillée
- Points de vigilance spécifiques
- Date de révision de l’analyse
Pilier 4 : Le suivi post-souscription structuré
La due diligence ne s’arrête pas à la souscription. Mettez en place un reporting trimestriel automatisé pour tous les produits structurés en portefeuille, incluant :
Indicateur | Fréquence | Seuil d’alerte | Action requise |
---|---|---|---|
Distance à la barrière | Hebdomadaire | < 15% | Appel client + stratégie sortie |
Évolution volatilité implicite | Mensuelle | > +30% | Réévaluation risque |
Variation valeur liquidative | Quotidienne | > -10% | Analyse causes |
Notation émetteur | Trimestrielle | Dégradation 1 cran | Évaluation risque contrepartie |
Comment industrialiser votre processus d’analyse ?
La complexité croissante des produits structurés nécessite des outils technologiques adaptés. Plusieurs solutions méritent attention :
Les plateformes d’agrégation de données : des services comme Bloomberg Terminal ou Refinitiv proposent des modules d’analyse de produits structurés intégrant des fonctions de décomposition, stress-testing et valorisation en temps réel. L’investissement (15 000 à 40 000 € annuels) se justifie pour les cabinets gérant plus de 50 M€ incluant une part significative de structurés.
Les services de recherche indépendants : des acteurs spécialisés (StructuRA, Structured Retail Products) produisent des analyses détaillées de produits structurés moyennant abonnement (3 000 à 8 000 € annuels selon volume). Ces analyses constituent un second regard précieux et une protection en termes de responsabilité.
Les tableurs d’analyse propriétaires : si vos volumes ne justifient pas d’investissements lourds, développez un tableur Excel standardisé intégrant votre grille d’évaluation, des fonctions de calcul de probabilités (loi normale, simulations Monte-Carlo basiques) et un historique des analyses précédentes. Cette solution low-cost améliore déjà substantiellement la rigueur du processus.
Question fréquente : Quel niveau d’investissement minimum en outils d’analyse pour un cabinet de CGP ?
Un cabinet gérant 20 à 100 M€ devrait consacrer entre 5 000 et 12 000 € annuels à l’outillage d’analyse des produits complexes (logiciels, données, formations). Ce budget représente 0,025 à 0,06 % des encours, soit un investissement marginal au regard des risques juridiques et réputationnels.
Conseil final pour cette section : Documentez méticuleusement votre processus de due diligence dans un manuel de procédures interne. En cas de litige, ce document prouve votre professionnalisme et l’existence d’un système de contrôle, réduisant substantiellement votre exposition juridique.
La maîtrise comme avantage concurrentiel durable
Les produits structurés continueront de gagner en complexité à mesure que les émetteurs explorent de nouvelles sources de rendement dans un environnement de taux normalisés. Cette sophistication technique crée une bifurcation professionnelle dans le métier de CGP.
D’un côté, les conseillers qui maîtrisent véritablement ces instruments complexes peuvent offrir une valeur ajoutée distinctive. Ils transforment l’opacité apparente en clarté pédagogique pour leurs clients. Cette expertise devient un signal de qualité puissant dans un marché saturé de conseils généralistes.
De l’autre, les conseillers qui recommandent des produits sans maîtrise réelle s’exposent à des risques croissants : responsabilité juridique accrue, perte de confiance clientèle, obsolescence face à la concurrence digitale et aux robo-advisors.
Les trois niveaux de maîtrise à développer
Maîtrise technique : comprendre les mécaniques financières sous-jacentes, savoir décomposer un produit en briques élémentaires, pouvoir anticiper les performances dans différents scénarios. Cette maîtrise s’acquiert par la formation continue, l’usage d’outils de simulation, et l’analyse régulière de cas concrets.
Maîtrise réglementaire : connaître précisément vos obligations, documenter chaque étape du conseil, anticiper les évolutions normatives. Cette dimension protège votre exercice professionnel et construit votre crédibilité face à une clientèle informée de ses droits.
Maîtrise pédagogique : transformer la complexité technique en explications accessibles, utiliser des analogies pertinentes, créer des supports visuels explicites. Un client qui comprend véritablement le produit souscrit devient votre meilleur ambassadeur et votre meilleure protection juridique.
Positionnement stratégique face aux produits structurés
Trois postures stratégiques s’offrent aux CGP :
La spécialisation : faire des produits structurés un axe d’expertise différenciant, développer des partenariats privilégiés avec des émetteurs, construire une réputation de spécialiste. Cette voie exige des investissements en formation et outils, mais crée une barrière à l’entrée concurrentielle.
L’intégration sélective : utiliser les produits structurés comme briques complémentaires dans des allocations patrimoniales globales, en se limitant à des structures dont vous maîtrisez parfaitement les mécaniques. Cette approche pragmatique convient à la majorité des cabinets.
L’exclusion raisonnée : refuser les produits structurés jugés trop opaques ou inadaptés à votre clientèle, quitte à perdre des opportunités commerciales de court terme. Cette position vertueuse renforce la confiance et la pérennité de la relation client.
Aucune de ces postures n’est intrinsèquement supérieure. L’essentiel réside dans la cohérence entre votre choix stratégique, vos capacités d’analyse réelles, et votre modèle économique.
Anticiper les évolutions à venir
Trois tendances structureront le marché des produits structurés dans les prochaines années :
L’intégration ESG : les produits structurés adossés à des indices ESG ou intégrant des mécanismes de « bonus climat » se multiplient. Cette tendance créera de nouvelles sources de complexité (définition des critères ESG, risques de greenwashing, volatilité spécifique des sous-jacents durables).
La tokenisation : l’émission de produits structurés sous forme de tokens blockchain promet une liquidité améliorée et des coûts réduits. Mais elle introduit également des risques technologiques et réglementaires nouveaux que peu de CGP maîtrisent aujourd’hui.
L’intelligence artificielle : certains émetteurs développent des structures dont les paramètres (niveau de barrière, plafond de participation) s’ajustent automatiquement via des algorithmes d’IA selon les conditions de marché. Cette automatisation radicale posera des questions inédites d’explicabilité et de responsabilité.
Conseil d’anticipation : Commencez dès maintenant à construire votre expertise sur ces thématiques émergentes. Participez à des formations sur la finance durable, la blockchain financière et l’IA appliquée aux marchés. Les CGP qui maîtriseront ces dimensions dans 3 à 5 ans disposeront d’un avantage concurrentiel décisif.
Les produits structurés ne disparaîtront pas. Ils continueront d’évoluer, de se complexifier, et de créer simultanément des opportunités et des risques. Votre capacité à naviguer cette complexité avec rigueur, transparence et pédagogie déterminera votre pertinence future dans le conseil patrimonial.
FAQ : Questions essentielles sur les produits structurés
Quelle allocation maximale aux produits structurés dans un portefeuille patrimonial ?
Il n’existe pas de règle universelle, mais une fourchette de 10 à 25 % constitue généralement un maximum raisonnable pour un portefeuille diversifié. Au-delà, la concentration des risques spécifiques (émetteur, liquidité, complexité) devient excessive. Pour les profils prudents ou les patrimoines inférieurs à 500 000 €, une allocation de 5 à 15 % apparaît plus appropriée.
Comment gérer un produit structuré qui a franchi sa barrière de protection ?
Le franchissement de barrière ne déclenche pas nécessairement une perte immédiate. Analysez d’abord le type de barrière (européenne vs américaine). Pour une barrière européenne, seule la position à maturité compte. Évaluez ensuite la probabilité de rebond du sous-jacent d’ici l’échéance. Si l’horizon est lointain (> 2 ans) et le sous-jacent fondamentalement solide, le maintien peut se justifier. En revanche, documentez soigneusement votre analyse et la décision prise avec le client.
Faut-il privilégier les produits structurés à capital garanti malgré leurs rendements plus faibles ?
La « garantie » du capital mérite décryptage. Elle dépend entièrement de la solidité de l’émetteur et s’avère donc partielle. Les produits à capital garanti génèrent généralement des rendements de 1,5 à 3 % inférieurs aux structures sans garantie. Ils conviennent particulièrement aux profils très prudents et aux horizons longs (où la protection cumule de la valeur), mais représentent rarement le meilleur choix pour des profils équilibrés capables de supporter une volatilité modérée.