Immobilier tertiaire et télétravail : où investir pour capter la nouvelle demande locative ?

Télétravail et immobilier tertiaire : découvrez les stratégies d’investissement adaptées aux nouvelles demandes locatives. Zones porteuses, labels ESG et conseils CGP.

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Immobilier tertiaire et télétravail : où investir pour capter la nouvelle demande locative ?

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Le télétravail, initialement perçu comme une solution temporaire, s’est ancré durablement dans l’organisation du travail en Europe. Cette mutation modifie en profondeur les besoins immobiliers des entreprises : surfaces bureaux, localisation, aménagement, flexibilité. Pour les conseillers en gestion de patrimoine, comprendre ces évolutions structurelles permet d’orienter leurs clients investisseurs vers des actifs immobiliers commerciaux résilients et de saisir les opportunités créées par cette redistribution géographique et fonctionnelle des espaces tertiaires.


Les mutations structurelles de la demande locative post-télétravail

Le télétravail hybride – généralement 2 à 3 jours par semaine – est devenu la norme dans les grandes métropoles européennes. Selon une étude de JLL publiée en 2024, 68 % des entreprises du tertiaire en France, Allemagne et Royaume-Uni ont adopté ce modèle de façon permanente. Cette évolution réduit mécaniquement les besoins en surfaces : les entreprises rationalisent leurs mètres carrés et privilégient des bureaux flex ou des formules de desk sharing.

Cette contraction apparente de la demande ne signifie pas l’effondrement du marché tertiaire. Elle s’accompagne d’une transformation qualitative profonde. Les locataires recherchent désormais des immeubles écoresponsables (labels BREEAM, HQE, LEED), dotés d’espaces collaboratifs, de connectivité renforcée et de services intégrés (conciergerie, restauration, wellness). Les bâtiments obsolètes, dits « bruns », perdent massivement en attractivité : leur taux de vacance dépasse 20 % dans certaines zones périphériques d’Île-de-France.

L’essor du modèle « hub-and-spoke »

Les grandes entreprises déploient une stratégie immobilière multipolaire : un siège central réduit, complété par des bureaux satellites en périphérie ou dans les villes moyennes. Ce schéma favorise les actifs tertiaires de petite et moyenne taille (500 à 2 000 m²) situés dans des bassins d’emploi secondaires comme Nantes, Bordeaux, Lyon, ou en Allemagne, Hambourg et Munich.

Exemple concret : Engie a restructuré son parc immobilier parisien en réduisant de 30 % ses surfaces à La Défense, tout en ouvrant quatre nouveaux sites régionaux équipés en flex office. Cette reconfiguration a permis une économie de 15 % sur les coûts immobiliers annuels, tout en améliorant la qualité de vie des collaborateurs.

68 % des entreprises européennes ont adopté le télétravail hybride de façon pérenne, transformant radicalement les critères de choix des locaux professionnels.

Conseil opérationnel : Orientez vos clients investisseurs vers des actifs immobiliers tertiaires récents (moins de 10 ans) ou réhabilités aux normes énergétiques de 2023, situés en première couronne métropolitaine ou dans les capitales régionales dynamiques. Privilégiez les immeubles offrant des services mutualisés et une modularité des plateaux.


Cartographie des zones d’investissement : quelles géographies porter ?

La redistribution géographique de la demande locative se traduit par une hiérarchie nouvelle des marchés immobiliers tertiaires. Paris intra-muros connaît un recul de 12 % des transactions sur les actifs bureaux entre 2022 et 2024, tandis que les métropoles régionales enregistrent une hausse moyenne de 18 % (source CBRE).

Zones porteurs identifiées :

  • Lyon et sa métropole : dynamisme économique soutenu, afflux de sièges sociaux régionaux, taux de vacance sous 6 %.
  • Bordeaux-Mérignac : croissance du secteur tertiaire technologique, immobilier neuf labellisé, rendements locatifs bruts entre 5 et 6 %.
  • Lille et sa conurbation : proximité Benelux, coûts attractifs, demande locative stable pour surfaces 300–800 m².
  • Hambourg (Allemagne) : ville portuaire en transformation, forte demande de bureaux flex dans le quartier HafenCity.
  • Madrid et Barcelone (Espagne) : attractivité internationale croissante, fiscalité compétitive, renouveau des quartiers d’affaires périphériques.

À l’inverse, les zones à risque comprennent les quartiers d’affaires monolithiques en périphérie éloignée (ex : certaines zones de La Défense, ou le quartier de Docklands à Londres), ainsi que les immeubles obsolètes (années 1970-1990) sans possibilité de rénovation énergétique rentable.

Les villes moyennes, nouveaux eldorados ?

Les villes moyennes (50 000 à 200 000 habitants) bénéficient d’un regain d’intérêt. Le télétravail permet aux salariés de s’éloigner des métropoles saturées. Les entreprises y trouvent des loyers 40 à 50 % inférieurs, une qualité de vie supérieure et un vivier de talents locaux. Angers, Rennes, Montpellier, Strasbourg illustrent cette dynamique.

Ville Taux de vacance Loyer moyen HT/m²/an Rendement brut moyen Atouts principaux
Lyon 5,8 % 290 € 4,8 % Sièges sociaux, accessibilité
Bordeaux 6,2 % 240 € 5,5 % Tech, aéronautique, cadre de vie
Lille 7,1 % 200 € 6 % Logistique, proximité Benelux
Nantes 5,5 % 210 € 5,8 % Ville verte, emploi tertiaire croissant
Montpellier 6,5 % 190 € 6,2 % Jeunesse, dynamisme démographique

Conseil pratique : Construisez avec vos clients un portefeuille diversifié géographiquement, en associant un actif dans une métropole régionale de premier rang (sécurité locative) et un actif dans une ville moyenne émergente (rendement supérieur, potentiel de revalorisation).


Stratégies d’investissement adaptées aux nouvelles demandes locatives

Face à cette reconfiguration, plusieurs stratégies d’investissement se dessinent pour capter la valeur résiduelle et anticiper les tendances de long terme.

1. Investir dans les bureaux flex et coworking

Le marché du flex office connaît une croissance annuelle de 22 % en Europe. Les opérateurs comme WeWork, Spaces ou Deskeo absorbent une part croissante de la demande locative, notamment auprès des PME et startups. Investir dans des immeubles dédiés ou mixtes (bureaux traditionnels + espaces flex) permet de sécuriser des baux pluriannuels avec des opérateurs solides.

Exemple : À Berlin, un immeuble tertiaire de 3 500 m² acquis en 2022 par un fonds institutionnel a été restructuré en 60 % bureaux flex / 40 % bureaux classiques. Le taux d’occupation atteint 95 % avec une prime de loyer de 18 % sur le flex.

2. Miser sur les labels environnementaux et la rénovation énergétique

Les nouvelles réglementations européennes (directive EPBD révisée) imposent aux bâtiments tertiaires d’atteindre une performance énergétique minimale (classe D en 2033). Les actifs non conformes subissent une décote de 20 à 30 %. À l’inverse, les immeubles certifiés BREEAM Excellent ou HQE Exceptionnel affichent des taux de vacance inférieurs de 40 % à la moyenne nationale.

Checklist rénovation énergétique pour immeubles tertiaires :

  • Audit énergétique complet (DPE collectif)
  • Isolation des façades et toitures
  • Remplacement des systèmes CVC (chauffage, ventilation, climatisation)
  • Installation de panneaux photovoltaïques en toiture
  • Digitalisation (BMS, capteurs IoT, gestion intelligente)
  • Certification par organisme agréé (Certivéa, BRE Global)

3. Diversifier vers les actifs alternatifs : logistique urbaine et santé

La mutation du tertiaire pousse certains investisseurs vers des actifs alternatifs présentant une demande structurellement haussière. La logistique du dernier kilomètre, portée par l’e-commerce, affiche des rendements de 4,5 à 6 %, avec des baux longs (6-9 ans) et des locataires de premier rang (Amazon, DHL, Carrefour). Les actifs de santé (cliniques, centres médicaux, laboratoires) offrent également une résilience accrue et une indexation locative favorable.

Les immeubles tertiaires certifiés HQE ou BREEAM affichent un taux de vacance inférieur de 40 % à la moyenne, attestant la prime à la qualité environnementale.

Conseil opérationnel : Pour un client CGP souhaitant diversifier son patrimoine immobilier, proposez une allocation 60 % bureaux rénovés en zones porteurs / 20 % logistique urbaine / 20 % santé ou résidentiel géré. Cette ventilation équilibre sécurité locative, rendement et potentiel de revalorisation.


Indicateurs de performance et outils de pilotage pour les CGP

L’accompagnement efficace de vos clients investisseurs en immobilier commercial nécessite une boîte à outils analytique actualisée et des indicateurs de suivi rigoureux.

Les KPI essentiels à suivre

Taux d’occupation effectif : distinguez taux contractuel (baux signés) et taux réel (locataires effectivement présents). L’écart s’est creusé avec le télétravail : certains immeubles affichent 90 % d’occupation contractuelle mais seulement 65 % d’occupation réelle.

Durée résiduelle moyenne des baux (WAULT) : un indicateur crucial de sécurisation des cash-flows. Privilégiez des actifs avec un WAULT supérieur à 5 ans sur des locataires solvables (rating investment grade).

Prime de risque immobilière : écart entre rendement locatif net et taux sans risque (OAT 10 ans). En 2024, la prime moyenne s’établit à 250 points de base pour des actifs prime en métropoles régionales.

Capex de rénovation : évaluez le coût de mise aux normes environnementales. Un immeuble années 1980 nécessite en moyenne 400 à 600 €/m² de travaux pour atteindre les standards actuels.

Questions fréquentes intégrées

Le télétravail signifie-t-il la fin des investissements en bureaux ? Non. Le télétravail transforme la demande mais ne la supprime pas. Les entreprises cherchent des espaces de qualité, modulables et bien situés. Les actifs modernes et labellisés conservent une demande soutenue.

Quels risques sur les baux en cours ? Les renégociations à la baisse sont fréquentes dans les immeubles obsolètes. En revanche, les actifs prime voient leurs loyers maintenus voire rehaussés, notamment lorsque les baux intègrent des clauses d’indexation sur l’ILC (Indice des Loyers Commerciaux).

Outils digitaux et data analytics

Les plateformes de veille immobilière (CoStar, RCA, MSCI Real Assets) permettent un benchmarking précis par zone et typologie. Intégrez ces outils pour affiner vos recommandations avec des données actualisées en temps réel.

Les solutions PropTech (Deepki pour l’ESG, Drooms pour la data room digitale) facilitent le due diligence et le pilotage post-acquisition. Leur adoption devient un avantage concurrentiel pour les CGP qui veulent se différencier.

Checklist pilotage immobilier commercial :

  • Dashboard mensuel : taux d’occupation, loyers perçus, impayés
  • Reporting trimestriel ESG : consommations énergétiques, émissions carbone
  • Veille réglementaire : évolutions EPBD, fiscalité locale, aides à la rénovation
  • Analyse comparative : benchmark rendements par zone et typologie
  • Plan pluriannuel travaux : anticipation capex, provisionnement

Conseil pratique : Mettez en place avec vos clients un comité de suivi semestriel dédié aux actifs immobiliers, intégrant ces KPI et une revue stratégique des opportunités d’arbitrage ou de renforcement.


Anticiper 2030 : vers quels modèles immobiliers tertiaires se projeter ?

Les évolutions actuelles dessinent un immobilier tertiaire 2030 profondément renouvelé, où convergent transformation numérique, exigences environnementales et nouvelles attentes sociétales. Trois tendances structurantes s’affirment.

Hybridation fonctionnelle : les immeubles tertiaires intègrent de plus en plus des fonctions mixtes (bureaux, commerces, logements, équipements collectifs). Cette polyvalence sécurise les cash-flows et favorise l’animation urbaine. À Copenhague, le projet Carlsberg City illustre cette approche : 600 000 m² mixant bureaux, logements, commerces et espaces culturels.

Servicialisation : l’immobilier tertiaire devient un produit de service, où le propriétaire ne vend plus seulement des mètres carrés mais une expérience globale : connectivité, conciergerie, espaces événementiels, bien-être. Cette valeur ajoutée justifie des loyers premium et fidélise les locataires.

Décarbonation accélérée : l’objectif de neutralité carbone à 2050 impose une refonte énergétique radicale. Les immeubles tertiaires devront produire une part de leur énergie (photovoltaïque, géothermie), recycler leurs déchets et intégrer des matériaux biosourcés. Les investisseurs pionniers sur ces sujets bénéficieront d’une décote de financement (green loans, obligations vertes) et d’une attractivité locative renforcée.

Questions fréquentes complémentaires

Faut-il privilégier l’acquisition ou la promotion immobilière ? L’acquisition d’actifs existants rénovés offre une mise en exploitation rapide et des cash-flows immédiats, avec un risque maîtrisé. La promotion (construction neuve) présente un potentiel de revalorisation supérieur mais exige une expertise technique pointue et un horizon d’investissement long (4-7 ans). Pour un CGP, l’acquisition reste souvent plus adaptée au profil de ses clients patrimoniaux.

Comment intégrer l’immobilier commercial dans une allocation globale ? L’immobilier commercial complète idéalement un portefeuille diversifié : il offre des rendements supérieurs aux obligations, une protection partielle contre l’inflation (indexation loyers), et une corrélation modérée avec les actions. Une pondération de 10 à 20 % du patrimoine global, répartie sur plusieurs typologies et zones, constitue une cible raisonnable.

Quels véhicules d’investissement recommander ? Selon le profil client, privilégiez :

  • SCPI de bureaux pour liquidité et gestion déléguée (rendement 4-5 %)
  • SCI d’acquisition pour contrôle direct et optimisation fiscale
  • OPCI pour diversification large et professionnalisation de la gestion
  • Club deals pour tickets importants (> 500 k€) et accès à des actifs prime

Recommandations finales pour les CGP

Formez-vous en continu : la mutation du tertiaire exige une montée en compétence sur les enjeux ESG, les nouvelles réglementations et les solutions PropTech. Participez aux séminaires sectoriels (MIPIM, SIMI) et développez un réseau d’experts (asset managers, avocats fiscalistes, bureaux d’études techniques).

Construisez des partenariats stratégiques : identifiez des gestionnaires d’actifs spécialisés, des promoteurs innovants et des plateformes de financement participatif immobilier. Ces alliances vous permettent de proposer des solutions sur-mesure et d’accéder à des opportunités off-market.

Valorisez votre conseil par la pédagogie : face à la complexité croissante de l’immobilier commercial, votre rôle d’éclaireur et de traducteur devient central. Synthétisez les tendances, clarifiez les risques, proposez des scénarios chiffrés. C’est cette valeur ajoutée intellectuelle qui justifie vos honoraires et fidélise vos clients investisseurs avertis.


FAQ complémentaire

Quelle fiscalité pour l’immobilier commercial détenu en direct ?
Les revenus locatifs sont imposés dans la catégorie des revenus fonciers, au barème progressif de l’IR, avec possibilité d’opter pour le régime réel (déduction charges et amortissements). Les plus-values de cession sont taxées à 36,2 % (19 % + 17,2 % prélèvements sociaux), avec abattement pour durée de détention au-delà de 5 ans.

Comment financer un actif immobilier commercial ?
Le financement bancaire reste privilégié, avec des taux en 2024 entre 3,5 et 4,5 % sur 15-20 ans, pour des LTV (loan-to-value) de 60 à 70 %. Les fonds propres nécessaires représentent donc 30 à 40 % du prix d’acquisition. Les assurances-vie en euros ou les PER peuvent constituer des sources de fonds propres pour les clients patrimoniaux.

Quel horizon d’investissement recommander ?
L’immobilier commercial exige un horizon minimal de 7 à 10 ans pour amortir les coûts d’acquisition (frais notaire, travaux) et capter la revalorisation. La liquidité est plus faible que pour le résidentiel : un délai de cession de 6 à 18 mois est courant, selon la qualité de l’actif et la conjoncture.