Les relations financières sino-américaines connaissent une transformation majeure. Hong Kong s’impose comme l’alternative privilégiée des entreprises chinoises. Cette migration s’accélère face aux restrictions américaines croissantes.
Sommaire
- 1 L’exode financier chinois vers Hong Kong s’intensifie
- 2 Une stratégie de double cotation défensive
- 3 Beijing orchestre la renaissance financière de Hong Kong
- 4 Les restrictions bilatérales s’accumulent
- 5 L’impact sur les flux de capitaux privés
- 6 La répression d’Ant Group marque un tournant
- 7 L’effondrement des IPO chinoises aux États-Unis
- 8 Les limites du marché hongkongais
- 9 L’accès privilégié aux investisseurs continentaux
- 10 Beijing privilégie le contrôle à la performance
L’exode financier chinois vers Hong Kong s’intensifie
Contemporary Amperex Technology Co. (CATL) illustre parfaitement cette tendance. Le fabricant de batteries a levé 4,6 milliards de dollars sur le marché hongkongais en mai 2025. Cette opération constitue la plus importante introduction en bourse mondiale de l’année.
La décision de CATL répond directement à son inscription sur la liste de surveillance du Pentagone. Cette démarche révèle la fragilité croissante des liens économiques entre les deux superpuissances.
Chery Automobile, deuxième constructeur chinois, prépare également une levée de 1,5 milliard de dollars à Hong Kong. Cette stratégie devient systématique pour les géants chinois.
Une stratégie de double cotation défensive
Trois quarts des 25 plus grandes entreprises chinoises cotées à Wall Street ont établi des cotations parallèles à Hong Kong ces dernières années. Ces entreprises représentent désormais 60% de la valeur des actions négociées sur la place financière hongkongaise.
Cette approche constitue une soupape de sécurité face aux menaces récurrentes de radiation américaines. Le secrétaire au Trésor Scott Bessent a récemment déclaré que « tout est sur la table » concernant d’éventuelles radiations forcées.
Les actions chinoises aux États-Unis représentent une capitalisation totale d’environ 1,1 trillion de dollars. Malgré ce montant substantiel, cela ne constitue qu’une fraction des 52 trillions de dollars des marchés américains.
Beijing orchestre la renaissance financière de Hong Kong
La Chine travaille systématiquement à redynamiser Hong Kong comme centre financier régional. Cette stratégie fait suite au retrait de nombreux investisseurs étrangers après 2019.
L’objectif principal consiste à établir Hong Kong comme plus grande place pour les transactions offshore en renminbi. Un haut responsable chinois a révélé que 80% des entreprises continentales privilégient désormais Hong Kong pour leurs cotations étrangères.
Cette orientation s’explique par les préoccupations sécuritaires des deux capitales. Chaque administration américaine des cinq dernières années a cherché à exclure les entreprises liées au complexe militaro-industriel chinois.
Les restrictions bilatérales s’accumulent
L’administration Trump avait initié en 2020 l’interdiction d’investissements américains dans les entreprises liées au gouvernement et à l’armée chinoise. Cette initiative a provoqué la radiation de plusieurs grandes entreprises publiques chinoises.
Parallèlement, les régulateurs chinois s’inquiètent des exigences américaines de transparence financière. Pékin craint que ces révélations n’exposent des secrets nationaux.
Le Congrès américain a adopté une loi imposant des radiations massives sans coopération de Pékin. Un accord de 2022 autorisant la supervision américaine a apaisé les tensions, mais les entreprises d’État chinoises restantes ont volontairement quitté Wall Street.
L’impact sur les flux de capitaux privés
Les investissements américains de capital-risque et de private equity en Chine ont chuté drastiquement. Ils sont passés de 40,81 milliards de dollars en 2018 à seulement 1,62 milliard en 2024.
Le président Trump a publié en février un mémorandum de sécurité nationale prévoyant de nouvelles restrictions sur ces flux de capitaux.
La dimension politique domestique influence également les décisions de Pékin. Le contrôle des plus importantes entreprises privées chinoises, notamment Alibaba Group, s’est resserré.
La répression d’Ant Group marque un tournant
L’épisode Ant Group illustre cette évolution. Pékin a bloqué l’IPO géante de la branche financière d’Alibaba fin 2020. Cette action faisait suite aux critiques de Jack Ma envers les régulateurs financiers.
Dès lors, le durcissement des contrôles sur les cotations américaines a suivi la détérioration des relations sino-américaines.
Quand l’administration Biden a élargi les restrictions en 2021, Pékin a cherché à retarder l’IPO de Didi Chuxing. La Chine a ensuite forcé l’entreprise à se retirer après qu’elle ait défié les régulateurs.
L’effondrement des IPO chinoises aux États-Unis
Les introductions en bourse chinoises aux États-Unis ne se sont jamais rétablies. Entre janvier 2024 et mars 2025, seulement 48 entreprises chinoises ont levé 2,1 milliards de dollars.
En comparaison, 32 entreprises avaient levé 12,1 milliards de dollars en 2021.
Inversement, les IPO à Hong Kong ont fortement progressé cette année. Le nombre d’opérations a augmenté de 25% au premier trimestre. La valeur totale a bondi de 287% pour atteindre 2,3 milliards de dollars.
Les limites du marché hongkongais
Hong Kong présente certains inconvénients comparé à Wall Street. Le marché est plus volatil avec des volumes de transactions inférieurs. Les valorisations relatives aux bénéfices sont également plus faibles.
Une cotation hongkongaise ne procure généralement pas le prestige des bourses américaines. Cela peut signifier des conditions de financement moins favorables.
Les réglementations de cotation de Hong Kong sont aussi plus strictes que celles de Wall Street. Environ 170 petites entreprises chinoises cotées aux États-Unis ne pourraient pas obtenir de double cotations.
L’accès privilégié aux investisseurs continentaux
Néanmoins, Hong Kong offre un accès à un réservoir largement inexploité d’investisseurs chinois. Un programme officiel permet aux continentaux d’acheter et vendre des actions hongkongaises.
Fin février, les investisseurs basés en Chine détenaient environ 12% des actions de Hong Kong, contre 5% fin 2020. Leurs transactions représentaient environ un quart du volume quotidien, contre 16% un an plus tôt.
Beijing privilégie le contrôle à la performance
Ultimement, le gouvernement chinois constitue le véritable bénéficiaire de cette transformation. Pékin semble prêt à échanger les avantages financiers d’un marché qu’il ne peut contrôler contre le confort d’une ville qui répond à ses moindres désirs.
Ses actions des cinq dernières années suggèrent un calcul selon lequel les bénéfices politiques d’un centre financier international aux caractéristiques chinoises l’emporteront sur la douleur que le découplage inflige au secteur privé chinois.
Cette stratégie reflète une approche géopolitique où la sécurité nationale prime sur l’efficacité économique. Les gestionnaires de patrimoine doivent désormais intégrer ces nouvelles dynamiques dans leurs stratégies d’allocation d’actifs.
Pour les professionnels de la gestion de fortune, cette bipolarisation financière crée de nouveaux défis et opportunités. L’accès aux entreprises chinoises pourrait nécessiter une diversification géographique des plateformes de négociation et une compréhension approfondie des réglementations locales.