analyste financier virtuel

L’intelligence artificielle s’invite sur le devant de la scène bancaire. UBS vient de lancer un projet ambitieux de clonage numérique d’une quarantaine d’analystes actions. Cette initiative marque un tournant dans l’utilisation de l’IA par le secteur financier, jusqu’ici principalement cantonnée à des usages internes. Comment cette innovation va-t-elle transformer le métier d’analyste et quels impacts peut-on anticiper pour les professionnels de la gestion de patrimoine ?

Une révolution discrète mais profonde dans l’analyse financière

La banque suisse UBS a récemment déployé un système permettant de créer des clones numériques d’environ 37 de ses analystes actions. Ces avatars générés par intelligence artificielle présentent désormais des vidéos courtes basées sur les notes de recherche des analystes humains.

Ces doubles virtuels sont capables de reproduire les gestes, expressions faciales et intonations de leurs modèles humains. Malgré quelques imperfections techniques donnant parfois une impression légèrement artificielle, les tests montrent que ces présentations numériques sont aussi bien reçues par les clients que celles des analystes en chair et en os.

Pour les professionnels de la gestion de patrimoine, cette évolution représente un changement majeur. L’accès à l’information financière pourrait devenir plus rapide, plus personnalisé et disponible 24h/24.

L’IA dans la banque : une adoption progressive mais inéluctable

Si la réplication d’employés vivants constitue une nouveauté, l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les banques n’est pas nouvelle en soi. Morgan Stanley utilise déjà un assistant de prise de notes lors des réunions. Goldman Sachs exploite des « copilotes » pour diverses tâches allant du codage à la traduction.

La différence majeure réside dans l’exposition au client. Jusqu’à présent, les institutions bancaires préféraient garder leurs outils d’IA en coulisses, principalement pour éviter tout risque d’erreur ou de maladresse dans la communication externe.

Selon une étude de Gartner, 87% des institutions financières ont augmenté leurs investissements en IA en 2024, avec une hausse moyenne de 31% des budgets dédiés.

Le principe du « human in the loop » reste fondamental

Une expression courante à Wall Street est « human in the loop » (humain dans la boucle). Cela signifie qu’une paire d’yeux biologiques examine tout contenu destiné aux clients. UBS respecte également ce principe : les analystes vérifient à la fois le script et la vidéo finale de leurs avatars.

Cette supervision humaine est cruciale car dans les secteurs hautement réglementés comme la finance, ce sont les humains qui assument la responsabilité des erreurs, avec des risques de récupération de rémunération ou d’interdictions professionnelles.

Pour les gestionnaires de patrimoine, cela implique une évolution de leur rôle vers plus de contrôle et de validation des contenus générés par IA, plutôt que leur production intégrale.

Vers une généralisation rapide des avatars financiers

D’autres institutions financières suivront inévitablement l’exemple d’UBS en rendant leur IA visible. L’analyse d’actions constitue un excellent point de départ pour cette transformation.

Les modèles actuellement disponibles peuvent déjà accomplir le travail d’un analyste junior de deuxième année, selon un responsable de recherche cité dans l’article.

D’après une enquête de Deloitte menée auprès de 500 institutions financières mondiales, 43% prévoient d’implémenter des avatars IA pour certaines fonctions client d’ici 2026.

Des capacités qui dépasseront bientôt l’humain

À terme, l’IA devrait pouvoir repérer des tendances et analyser des données d’une manière inaccessible à l’humain. Il serait naïf de penser que seules les tâches fastidieuses seront automatisées, car de moins en moins d’humains superviseront des processus de plus en plus larges.

Avec le développement de l’IA « agentique » et l’accès à toujours plus de données, les possibilités semblent illimitées.

Parmi les évolutions probables :

  • Mise à jour des objectifs de prix en temps réel
  • Questions pertinentes posées aux PDG lors des conférences téléphoniques trimestrielles
  • Fin des interventions complaisantes félicitant systématiquement les dirigeants pour leurs « excellents résultats »

Selon McKinsey, les outils d’IA génératifs pourraient ajouter entre 2,6 et 4,4 trillions de dollars à l’économie mondiale annuellement, avec le secteur financier parmi les principaux bénéficiaires.

Des objectifs de productivité qui cachent une réalité économique

Pour l’instant, UBS affirme que son objectif est simplement d’augmenter la productivité et d’épargner aux analystes timides l’exposition aux caméras.

Mais comme tout professionnel des tableurs le sait, l’objectif des gains de productivité est d’augmenter les revenus ou de réduire les coûts.

Étant donné la difficulté notoire à facturer la recherche sell-side, l’attention se tournera davantage vers les économies potentielles. Les avatars pourraient donc développer une vie professionnelle propre, indépendante de leurs modèles humains.

Implications concrètes pour les gestionnaires de patrimoine

Cette révolution technologique aura des conséquences directes sur le quotidien des professionnels de la gestion de patrimoine :

  1. Accès instantané à l’expertise : possibilité d’interroger des avatars d’analystes à tout moment sur des questions spécifiques
  2. Personnalisation accrue : les avatars pourront adapter leur discours au profil de risque et aux préférences d’investissement de chaque client
  3. Surveillance continue des marchés : alertes en temps réel sur les mouvements significatifs affectant les portefeuilles clients
  4. Démocratisation de l’expertise financière de haut niveau : ce qui était réservé aux grands clients institutionnels pourrait devenir accessible à une clientèle plus large

Les compétences humaines resteront différenciatrices

Malgré ces avancées, certaines compétences resteront l’apanage des conseillers humains :

  • L’intelligence émotionnelle : comprendre les véritables objectifs de vie des clients et leurs préoccupations profondes
  • La créativité stratégique : proposer des solutions innovantes pour des cas complexes
  • L’éthique et la confiance : établir une relation personnelle basée sur des valeurs partagées

Les gestionnaires de patrimoine devront développer ces compétences distinctives pour maintenir leur valeur ajoutée face à l’automatisation croissante.

Évolution anticipée des métiers de la finance

Cette transformation va redessiner la pyramide des compétences dans l’industrie financière :

  • Analystes juniors : fonctions largement automatisées, avec réduction significative des recrutements
  • Analystes seniors : évolution vers des rôles de supervision et validation des outputs IA
  • Gestionnaires de patrimoine : recentrage sur la relation client et l’interprétation contextuelle des analyses produites par l’IA
  • Nouveaux métiers : émergence de « prompt engineers » financiers et de spécialistes de la supervision éthique des algorithmes

D’ici 2028, 30% des postes d’analystes juniors pourraient disparaître, selon les projections de Bloomberg Intelligence, tandis que de nouveaux rôles hybrides homme-machine se développeront.

En bref : adapter sa stratégie professionnelle

L’initiative d’UBS avec ses avatars d’analystes n’est que la partie émergée d’une transformation profonde du secteur financier. Pour les gestionnaires de patrimoine, la question n’est plus de savoir si l’IA transformera leur métier, mais comment s’y adapter de façon proactive.

Les professionnels qui embrasseront cette évolution en développant à la fois une expertise technique et des compétences humaines différenciantes prospéreront dans ce nouvel écosystème. Les autres risquent d’être progressivement marginalisés.

La formation continue, l’ouverture aux nouvelles technologies et le développement d’une valeur ajoutée humaine distinctive constituent désormais les piliers d’une carrière pérenne dans la gestion de patrimoine.