Fiscalité de l’épargne retraite par capitalisation : enjeux, limites et perspectives en France

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Introduction : un défi crucial pour le financement des retraites

La question des retraites est l’un des défis majeurs des économies modernes, en particulier en France. Face au vieillissement de la population et aux tensions budgétaires pesant sur le régime par répartition, une réforme structurelle s’impose. Parmi les solutions envisagées, l’épargne retraite par capitalisation suscite un intérêt croissant. Mais quelle est son efficacité, et surtout, dans quel cadre fiscal s’inscrit-elle ? L’Assemblée nationale a publié récemment un rapport approfondi sur ce sujet (n°288, 17e législature, déposé en septembre 2024), qui met en lumière les enjeux associés à cette pratique. En analysant l’articulation fiscale de ce levier économique, cet article vise à explorer ses impacts sur le système économique et social français.

Un système de retraite sous pression croissante

La pression démographique met à rude épreuve le modèle de retraite par répartition. En 2024, selon les données de l’INSEE, la France compte près de 1,8 cotisant pour chaque retraité, contre 2,5 en 1970. Cette tendance se poursuivra dans les prochaines décennies avec l’allongement de l’espérance de vie et la diminution de la natalité.

Ce déséquilibre structurel aggrave les tensions financières, menant à une augmentation des déficits des caisses de retraite. Le rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites (COR) de 2023 indiquait un déficit cumulé de 13,5 milliards d’euros en 2022, un chiffre qui pourrait doubler d’ici 2030 sans réforme majeure.

Dans ce contexte, les experts et les décideurs politiques explorent des solutions complémentaires pour garantir la pérennité du système de retraite. L’épargne retraite par capitalisation, en complément du modèle par répartition, émerge comme une option prometteuse. Elle permettrait d’atténuer certains déséquilibres tout en diversifiant les sources de revenus au moment de la retraite.

Une fiscalité inégale entre répartition et capitalisation

L’un des principaux freins au développement de l’épargne retraite par capitalisation en France réside dans son cadre fiscal, complexe et parfois désavantageux. Contrairement aux régimes par répartition, le capital accumulé par les épargnants est soumis à une imposition lors des différentes étapes (versement, rendement, rachat).

En pratique, trois schémas fiscaux principaux coexistent pour ces plans d’épargne retraite :

  1. Le régime de droit commun, où les cotisations sont imposables, mais les rendements obtenus ainsi que les prestations perçues bénéficient d’une fiscalité réduite.
  2. Le régime PER individuel (Plan Épargne Retraite), introduit par la loi Pacte de 2019, qui favorise les versements grâce à une déduction fiscale, mais impose les capitaux lors des rachats.
  3. Les dispositifs collectifs, tels que le PER obligatoire, qui bénéficient d’un accompagnement par l’employeur et d’une fiscalité plus attractive.

Toutefois, ces avantages sont souvent éclipsés par la diversité des règles fiscales et le manque de lisibilité. Par ailleurs, les prélèvements sociaux de 17,2 % sur les rendements réalisés constituent une charge significative pour les épargnants. En comparaison avec d’autres pays, comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, où des systèmes comme les « 401(k) » ou les « Individual Savings Accounts (ISA) » limitent l’imposition, la France souffre d’un manque d’attractivité.

Les exemples étrangers : inspiration ou prudence ?

Certaines nations ont développé des systèmes de capitalisation performants qui pourraient inspirer la France. Par exemple, aux Pays-Bas, le système repose sur une complémentarité entre répartition et capitalisation, avec des incitations fiscales à long terme favorisant les cotisations des entreprises et des particuliers.

Aux États-Unis, le système des retraites est fortement basé sur des plans comme les 401(k), où les épargnants bénéficient d’avantages fiscaux lors des versements. Ce dispositif a permis d’accumuler près de 8 billions de dollars d’actifs en 2023, tout en diversifiant les risques financiers pour les particuliers. Cependant, cette dépendance à la capitalisation présente des inconvénients, notamment en cas de crise économique. La crise de 2008 avait entraîné une baisse significative des actifs de retraite, exposant les retraités à des pertes importantes.

Pour la France, le défi consistera à trouver un équilibre entre les incitations fiscales et les protections nécessaires pour limiter les risques liés aux fluctuations des marchés financiers.

Vers une réforme de la fiscalité de l’épargne retraite en France ?

Face aux limites actuelles, plusieurs pistes de réforme émergent pour rendre la fiscalité de l’épargne retraite par capitalisation plus compétitive et accessible. Les propositions avancées par le rapport de l’Assemblée nationale mettent l’accent sur trois axes principaux :

  1. Harmoniser le cadre fiscal : Simplifier les règles fiscales pour rendre les dispositifs d’épargne retraite plus lisibles et justes. Cela pourrait inclure une révision des prélèvements sociaux ou une unification des régimes existants.
  2. Renforcer les incitations fiscales : Instaurer des mécanismes plus attractifs, notamment sur les rendements ou la sortie en capital au moment de la retraite. Des plafonds d’exonération plus élevés pourraient encourager les épargnants.
  3. Encourager les dispositifs collectifs : Favoriser les plans d’épargne mis en place par les employeurs avec une fiscalité avantageuse pourrait amplifier la portée de cet outil et renforcer l’épargne des ménages modestes.

L’objectif est également d’élargir le public cible en rendant les dispositifs plus accessibles, notamment pour les travailleurs indépendants et les jeunes actifs, souvent peu sensibilisés à l’enjeu de l’épargne retraite.

Conclusion : une opportunité à saisir, des défis à relever

La fiscalité de l’épargne retraite par capitalisation constitue un levier-clé pour répondre aux défis du vieillissement en France. Cependant, pour exprimer tout son potentiel, elle doit être modernisée et adaptée aux besoins des épargnants et aux exigences du système. L’expérience internationale montre que des incitations fiscales bien dosées, associées à une sensibilisation efficace, peuvent transformer l’épargne retraite en un pilier solide du financement des retraites.

La réussite de cette transition dépendra d’un équilibre délicat : allier stabilité fiscale, justice sociale et sécurité pour les épargnants dans un contexte économique incertain.