Cryptomonnaies et fiscalité en France : déclarer ses actifs est-il obligatoire ?

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les cryptomonnaies et le bitcoin

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L’essor des cryptomonnaies en France soulève de nombreuses interrogations fiscales. Depuis 2019, l’administration fiscale impose aux détenteurs d’actifs numériques plusieurs obligations déclaratives et une fiscalité spécifique. Selon les données officielles, plus de 5 millions de Français possèdent des cryptomonnaies en 2023, un chiffre en constante augmentation. Face à l’évolution des régulations, un flou persiste quant aux risques de non-déclaration et aux sanctions encourues. Quelles sont les obligations fiscales des détenteurs de cryptomonnaies en France ? Quels sont les risques en cas d’omission ? Quelles exonérations existent ? Décryptage des règles en vigueur et des évolutions réglementaires à venir.

Régime fiscal des cryptomonnaies en France

En France, les cryptomonnaies sont assimilées à des biens meubles par l’administration fiscale. Cette classification a des conséquences directes sur l’imposition des plus-values.

Taux d’imposition des gains sur cryptomonnaies

Les gains générés par la vente de cryptomonnaies sont imposés selon un régime spécifique. Depuis 2019, les particuliers doivent s’acquitter d’un prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %. Ce taux comprend :
– 12,8 % d’impôt sur le revenu, applicable sur les plus-values nettes réalisées.
– 17,2 % de prélèvements sociaux, destinés au financement de la Sécurité sociale et de la CSG.

Ce régime s’applique uniquement lorsqu’un détenteur convertit ses cryptomonnaies en euros ou en une autre monnaie fiduciaire. En revanche, les échanges entre cryptomonnaies (par exemple Bitcoin contre Ethereum) ne sont pas imposables tant qu’aucun retrait en monnaie fiat n’a lieu.

Seuil d’exonération pour les petites cessions

L’administration fiscale prévoit une exonération lorsque le montant total des cessions dans l’année reste inférieur à **305 euros**. Ce seuil concerne uniquement les cessions réalisées par des particuliers et ne s’applique pas aux professionnels actifs dans le domaine des cryptos.

Fiscalité des professionnels et mineurs de cryptomonnaies

Les personnes générant des revenus réguliers grâce au trading de cryptomonnaies, au minage ou au staking peuvent être requalifiées en tant que professionnels. Dans ce cas, les gains sont intégrés aux bénéfices non commerciaux (BNC) ou aux bénéfices industriels et commerciaux (BIC) selon la nature de l’activité.
– Le régime BNC s’applique généralement aux traders indépendants.
– Le régime BIC, plus contraignant, vise ceux ayant une activité régulière avec des investissements professionnels (matériel de minage, serveurs, etc.).

Cette distinction est essentielle car elle implique des obligations comptables plus strictes et des taux d’imposition potentiellement plus élevés.

Déclaration obligatoire des comptes et transactions

L’administration fiscale exige des détenteurs de cryptomonnaies qu’ils déclarent leurs comptes et leurs transactions via des formulaires spécifiques.

Déclaration des comptes détenus à l’étranger

Tout contribuable français possédant un compte sur une plateforme étrangère (Binance, Kraken, Coinbase, etc.) doit obligatoirement le signaler à l’administration via le formulaire 3916-bis lors de la déclaration annuelle de revenus.
– Cette déclaration inclut des informations précises :
– Nom et adresse de la plateforme
– Numéro de compte
– Date d’ouverture et date éventuelle de fermeture
– Adresse URL de la plateforme d’échange

L’omission de cette déclaration entraîne une amende de 750 € par compte non déclaré, pouvant grimper à 1 500 € si la valeur du compte dépasse 50 000 euros.

Déclaration des transactions imposables

En cas de réalisation de gains via la vente ou l’échange de cryptomonnaies contre des euros, le détenteur doit remplir le formulaire 2086. Ce document détaille :
– L’ensemble des cessions effectuées au cours de l’année
– Le prix d’acquisition des cryptos concernées
– Le montant des plus-values générées

Cette obligation permet à l’administration fiscale de vérifier si le contribuable est bien en règle avec l’imposition sur les gains. Tout manquement peut conduire à des redressements fiscaux et à des pénalités financières.

Sanctions en cas de non-déclaration

Ne pas déclarer ses comptes ou ses revenus liés aux cryptomonnaies peut avoir de lourdes conséquences. L’administration fiscale intensifie ses contrôles, notamment via des accords internationaux et l’accès aux données des plateformes d’échange.

Amendes et pénalités fiscales

En cas d’omission de déclaration, le contribuable s’expose à :
– Une amende de 750 € par compte non déclaré, portée à 1 500 € si la valeur du compte dépasse 50 000 euros.
– Un redressement fiscal pour les transactions non déclarées, avec une majoration des impôts dus de 10 % à 40 % selon la gravité de l’infraction.
– Des intérêts de retard de 0,2 % par mois sur l’impôt non payé.

Renforcement des contrôles et coopération internationale

Avec l’entrée en vigueur de la directive européenne DAC8 en 2026, les plateformes d’échange centralisées devront transmettre aux administrations fiscales des données détaillées sur leurs utilisateurs.
– Cela inclut :
– Les transactions effectuées
– Les soldes de comptes
– Les dépôts et retraits réalisés

Cette mesure accroît la transparence et limite les possibilités d’évasion fiscale via des plateformes non régulées.

En parallèle, certains pays ont déjà adopté des dispositifs similaires. Aux États-Unis, l’IRS (Internal Revenue Service) collabore avec les plateformes de cryptomonnaies pour surveiller les transactions non déclarées. En France, Bercy adopte une approche similaire en renforçant le croisement des **données bancaires et cryptographiques**.

Exceptions et allègements fiscaux

Certaines situations permettent aux détenteurs de cryptomonnaies de bénéficier d’allègements fiscaux ou d’exonérations.

Exonération sur les dons et successions

Les cryptomonnaies transmises sous forme de don ou d’héritage sont soumises aux mêmes règles fiscales que les autres biens mobiliers. Cependant, les donations déclarées en avance permettent de réduire voire d’exonérer certaines taxes, notamment via les abattements fiscaux applicables aux héritiers directs.

Suppression de l’impôt sur la fortune improductive

Le projet de loi de finances  2025 propose la suppression de l’impôt sur la fortune improductive. Cette réforme vise à éviter la double taxation des cryptomonnaies uniquement détenues, sans qu’elles ne génèrent de gains. Elle constitue une opportunité pour les investisseurs souhaitant conserver leurs cryptos sur le long terme sans pression fiscale excessive.

Fiscalité allégée sur les paiements en cryptos

L’administration fiscale envisage d’assouplir la fiscalité des micro-transactions en cryptomonnaies (achats de biens ou services). Si cette réforme est adoptée, de petits paiements en Bitcoin ou Ethereum pourraient être exemptés de déclaration et d’imposition, facilitant l’adoption massive des cryptos dans l’économie quotidienne.

L’imposition des cryptomonnaies en France représente un enjeu majeur pour les investisseurs et l’administration fiscale. Entre obligation déclarative stricte, sanctions en cas d’infraction et allégements possibles, la transparence fiscale devient incontournable. L’avenir réglementaire, notamment avec DAC8, accentuera encore ce contrôle des transactions numériques, rendant la déclaration fiscale des cryptos plus indispensable que jamais.