L’intelligence artificielle : un moteur économique plein de promesses, mais encore sous-exploité

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un gros plan d'un robot

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Une transformation économique à l’impact encore limité

Depuis quelques années, l’intelligence artificielle (IA) suscite un intérêt croissant tant pour son potentiel technologique que pour ses impacts économiques. Cependant, son effet sur la croissance macroéconomique reste modéré pour le moment, selon un rapport récent publié par la Direction générale du Trésor en avril 2024. Malgré des avancées notables, le déploiement de l’IA à grande échelle n’a pas encore déclenché une révolution économique comparable à celles des précédents grands bouleversements technologiques, comme l’électricité ou Internet.

Un aspect clé mis en lumière est l’amélioration de la productivité individuelle, en particulier pour les professionnels disposant de performances moindres. Les outils d’IA permettent de combler des lacunes techniques et d’accélérer l’exécution de tâches répétitives comme la gestion de données, la rédaction automatisée, ou la modélisation prédictive. Cependant, au niveau des entreprises, l’impact global reste limité aux cas d’adoption restreints ou où l’IA est intégrée dans des processus déjà optimisés, sans générer encore de gains généralisés.

D’après une étude de McKinsey (2023), seuls 25 % des entreprises affirment actuellement avoir entièrement intégré des solutions d’IA dans leurs opérations de base. Cette adoption partielle explique pourquoi les effets macroéconomiques, notamment sur le PIB, demeurent faibles. Par ailleurs, une étude du MIT (2023) souligne l’importance de l’IA pour améliorer la prise de décision stratégique dans les entreprises de services et du secteur financier, mais ces résultats ne traduisent pas encore un impact global généralisé.

Une productivité accrue pour certains, une disruption incertaine pour d’autres

Si les effets positifs de l’IA sont perceptibles sur la productivité individuelle, de nombreuses professions voient leurs contours redessinés. Plusieurs rapports s’accordent à dire que ces changements affectent particulièrement les métiers qualifiés et techniques. Les secteurs comme la programmation informatique, la médecine ou la logistique intégrant la robotique bénéficient déjà d’une automatisation accrue et d’outils experts assistés par l’IA (par exemple, ChatGPT pour la rédaction ou l’analyse de données).

Cependant, l’incertitude demeure sur la manière dont ces changements affecteront les emplois à plus long terme. Une étude de PwC (2024) anticipe que l’IA pourrait créer jusqu’à 12 millions d’emplois d’ici 2030 tout en menaçant simultanément jusqu’à 20 millions de postes traditionnels. Cette dualité — destruction créative typique des révolutions industrielles — touche particulièrement l’emploi « intermédiaire » comme le support administratif ou la maintenance technique de routine.

Pour résister à cette transformation rapide, certaines catégories de travailleurs devront adapter leurs compétences. L’importance des compétences hybrides (par exemple, allier expertise humaine et maîtrise des outils IA) devient cruciale dans les domaines en mutation rapide tels que l’industrie automobile, où la transition vers les véhicules autonomes pousse à réinventer les compétences des équipes de conception ou de production.

La formation : un levier essentiel pour maximiser les bénéfices

Face à ces bouleversements, l’un des défis majeurs reste l’adaptation des systèmes éducatifs et des politiques de formation. Une mauvaise préparation risque d’engendrer des inégalités entre ceux bénéficiant de l’IA et ceux laissés pour compte. Actuellement, 60 % des adultes dans certains pays de l’OCDE n’ont pas les compétences nécessaires à l’utilisation de ces technologies de manière professionnelle.

D’après l’Unesco (2023), investir dans des politiques de formation continue apparaît essentiel pour éviter un écart numérique abyssal. Des initiatives sectorielles émergent déjà avec succès. Par exemple, Google a lancé un programme de formation IA accessible à plus de 1 million de personnes, incluant des formations gratuites pour illustrer l’utilisation de systèmes automatisés dans divers domaines. En parallèle, de nombreuses grandes entreprises technologiques, telles que Microsoft ou Amazon, investissent des sommes colossales pour former leurs employés sur les outils d’IA.

Par ailleurs, les efforts en matière de formation initiale sont imparfaits. Plusieurs pays peinent à intégrer complétement l’IA dans les curriculums éducatifs dès le lycée. Pourtant, une maîtrise précoce de ces outils pourrait favoriser l’entrée fluide dans des marchés du travail transformés par cette technologie.

Des politiques publiques pour encadrer une technologie en devenir

La croissance économique et l’emploi ne sont pas les seules dimensions affectées par l’IA. L’importance de concevoir des politiques publiques équilibrées pour encadrer cette évolution est également un axe fondamental. Parmi ces politiques, celles liées à la concurrence jouent un rôle clé.

Avec l’apparition de géants technologiques dominant le secteur (OpenAI, Google DeepMind, etc.), des régulateurs internationaux s’efforcent de démanteler les positions monopolistiques et de favoriser l’innovation des start-ups locales. L’Union européenne, avec son projet de « Loi sur l’IA », pousse les acteurs du secteur à rendre leurs technologies non seulement responsables, mais également accessibles à un plus large éventail d’organisations.

En parallèle, des innovations responsables se multiplient. Par exemple, la reconnaissance faciale encadrée dans le secteur public, ou encore l’IA appliquée à la ville intelligente (gestion d’énergie, transports, planification). Ces projets témoignent du potentiel colossal de l’IA pour les problématiques globales, mais viennent aussi avec des risques à mesurer, comme les discriminations algorithmiques ou l’impact environnemental dû à la consommation d’énergie des infrastructures.

Enfin, des partenariats publics-privés se profilent comme des solutions collectives pour tirer des bénéfices de l’IA tout en minimisant ses coûts sociaux. Ainsi, en Asie, la collaboration active entre administrations locales et développeurs IA contribue à une meilleure gestion de l’éducation ou de la santé publique, avec des gains significatifs en temps et en coût.

Conclusion : Une révolution inéluctable mais à gérer collectivement

L’intelligence artificielle, malgré son potentiel clair pour transformer notre économie et notre société, reste dans une phase d’implantation progressive. Ses bénéfices se mesurent déjà dans certains secteurs, bien que ses promesses macroéconomiques globales tardent à se manifester pleinement. Son impact continuera à évoluer à mesure que les entreprises, les travailleurs et les cadres politiques s’adaptent aux défis qu’elle pose.

Pour maximiser les bienfaits de cette technologie, une collaboration étroite entre les gouvernements, les industries et les individus sera essentielle. Seule une approche proactive, incluant formation, régulation et innovation responsable, pourra éviter des fractures sociales et permettre à chacun de pleinement profiter de cette révolution technologique.