L’endettement fait souvent partie intégrante d’une stratégie patrimoniale, que ce soit à titre personnel ou entrepreneurial. Pourtant, derrière cette pratique somme toute courante se cachent de nombreux risques susceptibles d’impacter gravement la santé financière des individus et des entreprises, voire d’avoir des répercussions systémiques à l’échelle macroéconomique. En 2023, avec une inflation persistante, des taux d’intérêt en hausse et une instabilité accrue des marchés financiers, ces risques sont plus pertinents que jamais. Voici une exploration détaillée des dangers de l’endettement dans une perspective patrimoniale, entre gestion des risques et implications économiques globales.
Sommaire
L’impact de la dette sur la santé financière
Pression sur la trésorerie et baisse de la liquidité
L’un des principaux risques liés à l’endettement réside dans son impact direct sur la trésorerie. Lorsque les emprunts s’accumulent, les remboursements mensuels — incluant à la fois capital et intérêts — absorbent une part importante de la liquidité disponible. Cela limite la capacité d’un individu ou d’une entreprise à couvrir d’autres dépenses essentielles ou à investir dans de nouvelles opportunités.
Prenons l’exemple d’un investisseur immobilier qui utilise fréquemment l’effet de levier pour financer des acquisitions. Si le coût de l’emprunt augmente soudainement en raison d’une hausse des taux d’intérêt, les remboursements peuvent devenir insoutenables, menant à un risque accru de défaut de paiement. Une enquête de l’Observatoire Crédit Logement en 2022 révélait que le taux moyen d’emprunt en France avait bondi à 2,5 % contre 1,1 % un an auparavant, ce qui représente une hausse substantielle des charges d’intérêts pour les emprunteurs.
De plus, cette pression sur la trésorerie peut engendrer des arbitrages coûteux. Des actifs rentables pourraient devoir être liquidés rapidement, souvent à des conditions défavorables, uniquement pour répondre aux obligations de remboursement. Cela compromet non seulement les rendements futurs, mais aussi la stabilité de l’ensemble du portefeuille patrimonial.
Surendettement et diminution de la capacité d’emprunt
Une accumulation excessive de dettes peut rapidement amener les ménages et entreprises dans une situation de surendettement, où les charges de remboursement dépassent la capacité réelle de l’emprunteur à y faire face. Cette situation limite également considérablement la capacité à contracter de nouveaux emprunts, même en cas de besoin stratégique.
En France, selon la Banque de France, près de 100 000 dossiers de surendettement ont été déposés en 2022, un nombre en hausse de 6 % par rapport à l’année précédente. Ce phénomène illustre les difficultés croissantes rencontrées par les ménages, notamment face à la flambée des prix de l’énergie et de l’alimentation qui amoindrit leur pouvoir d’achat.
Pour les entreprises, une hausse excessive des ratios dette/fonds propres augmente le coût du capital et peut limiter leur attractivité aux yeux des investisseurs. Les agences de notation attribuent fréquemment des notes moins favorables à des entités surendettées, ce qui accroît parfois le taux d’emprunt exigé par les créanciers.
Risques liés à l’effet de levier dans l’investissement
Opportunités accrues mais avec une volatilité accrue
L’effet de levier, c’est-à-dire l’utilisation de l’endettement pour amplifier les rendements potentiels, est une stratégie prisée des investisseurs avertis. Lorsqu’il est bien maîtrisé, ce mécanisme peut effectivement démultiplier la rentabilité d’un portefeuille. Toutefois, il est tout aussi efficace pour amplifier les pertes. Si le rendement généré par l’investissement est inférieur au coût de l’emprunt, alors l’effet de levier se retourne contre l’investisseur.
Imaginons un entrepreneur qui investit dans son entreprise grâce à des prêts. Si les perspectives de croissance étaient solides, mais que des événements imprévus, tels que la pandémie de COVID-19 ou une crise sectorielle, frappent son activité, les flux de trésorerie générés pourraient chuter brutalement. Non seulement les remboursement de dette deviennent plus difficiles, mais la rentabilité des capitaux propres (ROE) pourrait également être négative.
Selon un rapport de PwC publié en 2022, près de 30 % des entreprises en Europe utilisant l’effet de levier pour booster leurs activités se sont retrouvées en situation de détresse financière lorsque les prévisions initiales n’ont pas été atteintes.
Sensibilité accrue aux fluctuations des taux d’intérêt
Un autre danger lié à l’effet de levier est une forte vulnérabilité aux variations des taux d’intérêt. Une augmentation des taux impacte mécaniquement le coût de refinancement des emprunts, rendant la dette existante plus coûteuse ou poussent les investisseurs vers des alternatives moins risquées.
Alors que les banques centrales mondiales, notamment la BCE et la FED, optaient encore en 2023 pour des politiques de resserrement monétaire dans le cadre de la lutte contre l’inflation, les taux d’intérêt atteignaient leurs niveaux les plus élevés depuis plus d’une décennie. Cette variation a plongé de nombreuses entreprises surendettées dans des difficultés majeures, notamment dans les secteurs traditionnels à faible marge comme la distribution ou l’hôtellerie.
Conséquences macroéconomiques de l’endettement
L’interconnexion entre dettes souveraines et banques
Un niveau d’endettement élevé ne concerne pas seulement les ménages ou les entreprises. Les dettes publiques jouent aussi un rôle fondamental dans l’économie globale. Les États ayant des niveaux très élevés de dette publique rencontrent des difficultés pour intervenir efficacement en cas de crise bancaire. Cela crée une interdépendance dangereuse entre les gouvernements et leurs systèmes financiers.
Par exemple, lors de la crise de la dette souveraine en Europe, qui a culminé en 2011-2012, plusieurs banques européennes étaient exposées à d’importantes quantités d’obligations souveraines risquées. Le cercle vicieux qui en découlait a alimenté l’instabilité des marchés financiers européens, forçant des interventions historiques de la BCE.
Impacts sur les investisseurs et distorsion des marchés
Enfin, au niveau macroéconomique, l’excès de dette peut provoquer des distorsions importantes sur les marchés financiers, avec des conséquences variées pour les investisseurs et les entrepreneurs. L’instabilité causée par les craintes autour d’une dette souveraine entraîne souvent des hausses rapides des primes de risque et des augmentations imprévisibles des taux directeurs, ce qui impacte l’ensemble des activités financières et industrielles.
Un rapport publié par le FMI en 2022 estime que les distorsions issues des dettes souveraines ont réduit de plus de 1 % la croissance économique mondiale en moyenne entre 2008 et 2022.
Stratégies de gestion des risques liés à l’endettement
Importance d’une évaluation approfondie
Face à ces risques, une évaluation solide des actifs et des passifs est incontournable. Les conseillers en gestion de patrimoine (CGP) jouent ici un rôle central. Leur mission est d’analyser en profondeur les flux de revenus, les engagements financiers et la capacité d’épargne pour dégager une vision claire de la réalité patrimoniale.
Une évaluation pertinente implique également l’utilisation d’indicateurs fiables comme le ratio d’endettement, la rentabilité attendue des investissements financés par la dette, ou encore le taux d’endettement global d’un portefeuille. Ces analyses permettent d’isoler les risques, identifier les leviers d’optimisation et définir une feuille de route claire.
Diversification et planification financière
En outre, une des recommandations fondamentales consiste à diversifier les sources de revenus et d’investissements pour atténuer l’exposition aux risques. Cela inclut notamment de répartir les risques entre des investissements à fort levier et des actifs refuges plus stables, tels que les obligations de longue durée ou l’immobilier traditionnel.
Planifier l’échelonnement des dettes, privilégier les emprunts à taux fixe dans un environnement volatile ou encore provisionner un fonds de sécurité pour les remboursements imprévus font partie des mesures concrètes qui permettent de limiter les impacts négatifs d’une dette mal maîtrisée.
L’endettement reste un outil puissant dans le cadre des stratégies patrimoniales, mais il est crucial de l’utiliser avec discipline. Les risques, qu’ils soient financiers, économiques ou structurels, doivent être anticipés et maîtrisés pour que cette stratégie serve véritablement à améliorer la santé financière globale des ménages et des entreprises. L’heure n’est plus à l’approximatif : une gestion rigoureuse et informée est essentielle.