L’industrie des fonds négociés en bourse, communément appelés ETF (Exchange Traded Funds), connaît une expansion fulgurante. Ce phénomène n’est pas nouveau, mais son ampleur atteint aujourd’hui des sommets historiques : en 2023, les ETF ont enregistré une collecte record de 11 515 milliards d’euros à l’échelle mondiale, soit une progression impressionnante de 25 % par rapport à l’année précédente. Cette explosion soulève une question clé dans le secteur financier : sommes-nous en train d’assister à un basculement vers une gestion entièrement passive ? La réponse n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. D’un côté, l’essor des ETF s’inscrit dans une tendance de long terme favorisant la passivité et les faibles coûts. D’un autre côté, l’innovation au sein de l’industrie témoigne d’une volonté de réinventer ces produits pour répondre à des besoins de diversification et d’agilité. Voici l’analyse exhaustive de cette dynamique en cinq volets interconnectés.
Sommaire
Une offre d’ETF en pleine diversification
L’augmentation du nombre de fonds ETF est le reflet le plus tangible de leur popularité croissante. Fin 2023, le marché américain comptabilisait environ 13 000 ETF différents, selon des données révélées par BlackRock, contre seulement 4 000 dix ans auparavant. En Europe, cette tendance est également marquée : les ETF représentent désormais près de 20 % des encours totaux des fonds ouverts, un chiffre en constante progression.
Des thématiques d’investissement de plus en plus variées
Le succès des ETF trouve son origine dans leur capacité d’adaptation. L’époque où ces produits se limitaient à répliquer de grands indices boursiers comme le S&P 500 ou le CAC 40 appartient au passé. Actuellement, les investisseurs ont accès à une palette particulièrement diversifiée d’ETF, englobant des thématiques ciblées comme la transition énergétique, les technologies de rupture (blockchain, intelligence artificielle), ou encore des classes d’actifs spécifiques tels que l’immobilier ou les matières premières.
Par exemple, en 2023, les ETF thématiques liés à l’intelligence artificielle ont enregistré une collecte de 12,5 milliards de dollars à l’échelle mondiale, alors que ce segment représentait à peine quelques centaines de millions de dollars avant 2020. Cette tendance illustre la manière dont l’industrie des ETF évolue pour répondre aux préoccupations des investisseurs en quête d’expositions innovantes.
L’émergence des ETF factoriels
Autre signe de la montée en puissance des ETF : la forte adoption des fonds dits « factoriels », ou Smart Beta. Ces véhicules combinent les avantages de la gestion passive et les principes de la gestion active, en sélectionnant des classes d’actifs sur la base de certains facteurs (valeur, volatilité, momentum, etc.). Entre 2022 et 2023, le nombre d’ETF factoriels disponibles en Europe a bondi de 28 %, selon les chiffres de Morningstar, une preuve que les investisseurs institutionnels et particuliers cherchent davantage de sophistication dans leur allocation.
Une demande mondiale portée par les particuliers et les institutionnels
L’essor des ETF ne pourrait s’expliquer sans une demande en forte hausse provenant de deux acteurs majeurs : les investisseurs particuliers, souvent appelés « investisseurs retail », et les institutionnels tels que les fonds de pension ou les compagnies d’assurance.
Des particuliers séduits par la simplicité et les coûts réduits
Les ETF sont particulièrement appréciés pour leur simplicité. Contrairement aux fonds traditionnels, leur structure transparente permet aux investisseurs de comprendre ce qu’ils détiennent. Avec des frais de gestion annuels oscillant souvent entre 0,05 % et 0,40 %, ces produits offrent une alternative ultra-compétitive par rapport aux fonds actifs, dont les frais peuvent dépasser 2 %.
Selon une enquête menée par le cabinet EY publiée en 2023, près de 68 % des investisseurs particuliers préfèrent désormais les ETF aux fonds communs de placement pour leurs investissements en actions. Par ailleurs, de nombreuses plateformes numériques comme Trade Republic, Robinhood ou eToro ont démocratisé l’achat d’ETF, élargissant leur accessibilité à un public plus jeune et technophile.
Un engouement croissant des investisseurs institutionnels
De leur côté, les institutionnels considéraient jusqu’à récemment les ETF comme des outils secondaires. Toutefois, nombreux sont ceux qui les intègrent désormais comme des piliers essentiels de leurs portefeuilles. Les ETF obligataires, par exemple, ont vu leurs encours croître de manière exponentielle, atteignant 1 000 milliards de dollars dans le monde en 2023, porté notamment par des flux massifs vers les ETF d’emprunts d’État.
En Europe, Amundi et Vanguard, deux géants des ETF, ont rapporté une augmentation de 21 % des allocations institutionnelles vers leurs ETF obligataires entre 2022 et 2023. Cette évolution s’explique par les caractéristiques des ETF : leur liquidité, leurs coûts réduits et leur capacité à ajuster rapidement les expositions s’avèrent particulièrement attractifs dans un contexte de volatilité accrue.
Les ETF, protagonistes du débat actif-passif
La montée en puissance des ETF alimente une controverse essentielle : assistons-nous à un triomphe définitif de la gestion passive ? En apparence, la réponse pourrait sembler affirmative. Selon SPIVA (S&P Dow Jones Indices), 83 % des gérants actifs aux États-Unis ont sous-performé leurs indices de référence sur une période de dix ans. Ce constat a conduit de nombreux particuliers et institutionnels à opter pour la gestion passive via des ETF.
Des ETF passifs en position dominante
La grande majorité des ETF reste conçue pour répliquer passivement un indice ou un panier d’actifs. Dans cette optique, leur essor reflète la conviction que la gestion passive offre des résultats souvent supérieurs à moindres frais. En 2023, les ETF passifs représentaient plus de 90 % des encours mondiaux en ETF, confirmant ainsi leur position hégémonique.
L’émergence des ETF à gestion active
Cependant, un nouveau paradigme émerge : les ETF à gestion active. Ces fonds permettent aux gestionnaires professionnels de sélectionner activement des titres tout en bénéficiant de la souplesse de la structure ETF. En Europe, pourtant initialement peu réceptive à ce concept, ces produits commencent à prendre de l’ampleur, même s’ils pèsent encore moins de 2 % des encours totaux.
Aux États-Unis, des acteurs comme ARK Invest, sous la direction de Cathie Wood, ont démontré le potentiel des ETF actifs. Le fonds phare ARK Innovation ETF a attiré près de 4 milliards de dollars en collecte en 2023, malgré des performances volatiles. Ce succès illustre que certains investisseurs restent disposés à payer pour l’expertise en gestion active, à condition de bénéficier des avantages structurels des ETF.
L’essor des plans d’épargne programmés via ETF
Une autre tendance clé contribue à la diffusion rapide des ETF : celle des versements programmés, également appelés Saving Plans. Ces solutions permettent d’investir de manière régulière (par exemple chaque mois) une somme fixe dans des ETF, simplifiant ainsi le processus d’épargne.
Origine et croissance de cette pratique
Nés en Allemagne, les plans d’épargne programmés ont rapidement gagné en popularité en Europe. En 2023, on estimait que plus de 17 millions de versements programmés étaient effectués chaque mois dans la région, avec un objectif de 32 millions anticipés d’ici 2028 selon les projections de BlackRock.
Cette méthode s’adresse particulièrement aux jeunes investisseurs ou aux primo-épargnants, puisqu’elle favorise une discipline dans l’épargne et réduit les risques liés aux variations de marché. Les plateformes comme Trade Republic ou Scalable Capital ont d’ailleurs fait de ces Savings Plans un axe central de leur offre auprès de leurs utilisateurs.
-Pour conclure, bien que la gestion passive continue de dominer le marché des ETF, leur popularité croissante ne se limite pas à cette seule dynamique. De la diversification massive de l’offre à l’essor des ETF actifs et des plans d’épargne programmés, ces instruments d’investissement jouent un rôle crucial dans la transformation du paysage financier mondial. L’avenir des ETF pourrait bien se trouver à l’intersection entre passivité, innovation et personnalisation, redéfinissant la gestion de portefeuille à l’ère moderne.